Impossible de parler cocktail à Paris et en France sans évoquer le CopperBay. Il a fait partie de ses bars qui ont amorcé et démocratiser le cocktail en France il y a un peu plus de 4 ans. Quatre ans, c’est jeune et en même temps ça permet de faire le bilan. On a pris un verre avec Aurélie Panhelleux, associée du CopperBay, mais également une grande carrière avant dans le monde du bar, pour parler cocktail au sens large !

Peux-tu nous présenter ton parcours ?

Mon parcours est un parcours hôtelier assez classique. J’ai commencé par faire un BEP hébergement. Et pour finir j’ai switché sur un bac technologique et BTS option cuisine. C’est ce qui me plaisait le plus. Après le BTS cuisine, j’ai longtemps hésité entre la cuisine et le bar, donc je suis redescendue faire un CAP barman d’un an derrière.

Après le CAP, je suis arrivée à Paris et j’ai commencé au Hilton qui était rue de Courcelles à l’époque (qui maintenant est Le Collectionneur) avec Stephen Martin pendant 3 ans et demi. Je suis arrivée en tant que barman, je suis passée seconde, puis assistante. Puis, j’ai eu la chance d’aller travailler au Georges V (Four Seasons), avec à l’époque Maxime Hoerth. C’était la grande époque (rires). Ensuite, je suis partie au Forvm  quand c’était encore à La Madeleine. C’était vraiment mon rêve de gamine, car en tant que fille aller bosser au Forvm, ce n’était pas possible au début. Quand j’ai eu l’opportunité d’y aller, c’était vraiment une chance. Je travaillais avec Joseph,  avec Johann, etc… Une très belle école et tu te retrouves avec des personnes qui ont des parcours de dingue.
Et ensuite l’ouverture du W à Opéra pendant 2 ans et demi avant d’ouvrir CopperBay il y a 4 ans et demi avec Elfi et Julien .

C’est quoi le plus dur lorsqu’on passe de barman à gérant de son propre établissement ?

C’est l’organisation qui est très différente. Nous ce qui est bien, c’est qu’on est trois ! Donc chacun a son domaine de compétence. La répartition a toujours été très nette. C’est juste que tu le vis différemment, je pense.  Tu as une liberté dans les décisions puisque tu n’as plus personne au-dessus qui peut potentiellement prendre des décisions à ta place. C’est le bon côté. T’as aussi un entrain qui est différent, car c’est ton lieu : tu ne gères pas du tout les choses de la même façon. Quand t’es fatiguée, tu le gères beaucoup mieux. Quand t’as un coup de mou, tu gères mieux aussi. C’est ton bébé et je le vois comme ça. Mais quand t’as ton établissement, dans tous les cas ça change totalement ta vie, ta dynamique et ta perception. T’es beaucoup plus ouvert. Plus proche des gens aussi.

CopperBay Portrait- Aurélie Panhelleux ©Matthieu Joffres HD

Il a fallu combien de temps entre l’imagination / la création et l’ouverture de CopperBay?

Il a fallu … (elle réfléchit) quelque chose comme 9 mois. Entre 9 et 12 mois je pense, entre le premier moment où l’on s’est dit on va ouvrir quelque chose ensemble et l’ouverture.

CopperBay Paris fait partie des bars qui ont signé le renouveau des bars à cocktails en France.  Comment on fait 4 ans et demi plus tard pour garder le niveau et faire en sorte que le public reste présent ?

Je pense qu’il faut toujours rester ouvert avec les gens. Écouter. Se remettre en question. On a la chance d’être dans un établissement où toute l’équipe travaille sur les cartes. Chacun amène ses idées. Il y a une trame qui est toujours la même, mais chacun peut apporter ses idées. Cela permet d’apporter beaucoup de fraîcheur à chaque fois, des choses nouvelles. Mais il faut rester curieux. Partout où tu vas, peu importe qui tu es, quelqu’un a toujours ses passions, il y en a pour qui ça va être la photo, l’art, la musique, etc. Quand on sort, quand on voyage. C’est ça qui nous inspire. Il ne faut pas hésiter à tout goûter, tout sentir, tout toucher.

CopperBay Marseille a ouvert récemment. Il garde la même philosophie, ou vous avez dû changer pour vous adapter aux attentes locales ?

C’est la même philosophie qu’à Paris. C’est exactement la même carte aussi ! Les seules petites choses qui vont différencier, c’est sur les bières par exemple. Ici à Paris, on travaille avec des brasseries parisiennes, tandis qu’à Marseille on va travailler avec des bières du Sud. Idem sur le vin. Donc on joue la carte locale sur des petites choses. Mais la façon de travailler est la même. C’est un CopperBay donc l’identité est la même. Bien sûr pour la déco, on est dans la même veine, mais il y a 2 / 3 petites choses qui changent, car on n’avait pas envie de faire une imitation. Le reste c’est la même énergie et la même philosophie qu’à Paris. Les prix aussi sont les mêmes.

COPPERBAY Cocktails - Clear My Tomato - Collection Hiver 2018 ©I.Mathie HD

Après Marseille, d’autres ouvertures sont envisagées ?

Non. Pas pour l’instant. On n’a jamais eu l’envie d’en avoir plusieurs. On va se concentrer sur les 2 premiers. Et le but c’est que les gens se plaisent, qu’ils découvrent les lieux, qu’ils comprennent l’esprit. La priorité c’est de conserver cette énergie et de travailler dans le bon sens en améliorant ce qu’on peut améliorer.

Quel est ton processus de création pour la carte cocktail ? Tes sources d’inspiration ?

On a toujours un format de carte qui est cohérent d’une carte par rapport à l’autre : on a toujours un cocktail low ABV, un cocktail sous vide, un cocktail clarifié, un cocktail sour avec un pochoir. Donc, on a une trame qui est quand même, entre guillemets, prédéfinie. Ensuite, on va demander à toutes les équipes leurs idées. En axant sur la saisonnalité des produits. Et aussi le fait de limiter les pertes. Si on utilise quelque chose, on essaie de l’utiliser à 100%.

Après il y a toujours un côté méditerranéen qu’on aime apporter et qui est notre signature aussi. Le but c’est d’emmener tout le monde, que tout le monde puisse proposer ses idées. Ensuite on fait un tri par rapport à cette première phase. Voir si des choses se ressemblent pour en sortir un seul cocktail. Après on va passer sur les premières phases tests. Une fois validé, on passe sur les phases du visuel et de la verrerie. À chaque fois avec les équipes Paris et Marseille. Et pour finir : argumentaire et carte. La carte est quelque chose qui est très important et didactique, via notre diagramme qui est maintenant assez connu avec les proportions. Ça permet ainsi aux gens de se guider et comprendre le cocktail. C’était hyper important pour nous que les gens aient une carte qui soit très lisible.

 

Menu Copperbay Paris

 

Vous ne mettez jamais la marque du produit avec lequel vous travaillez ?

C’est très rare. Car je pense que si tu mets une marque, les gens ne comprennent pas spécialement. On ne va pas se mentir. On a Cap Mattei par exemple en ce moment sur la carte et les gens nous demandent souvent c’est quoi Cap Mattei.

Les gens sont de plus en plus ouverts. Par exemple en ce moment on a un cocktail au whisky qui cartonne, alors que généralement c’est l’un des alcools les plus difficiles en termes de vente. Il y a beaucoup de clichés et d’idées reçues sur le whisky. Et là, il se vend nickel.

Sur le long terme, on se rend compte aussi des cartes qui ont été les plus équilibrées en termes de vente, avec le moins d’écart d’un drink à l’autre. Au début, on avait vraiment un best-seller qui se démarquait énormément, et avec le temps tu apprends à équilibrer tes cartes. Et les gens sont plus enclins à goûter plus de choses ce qui est super intéressant.

Tu peux nous parler un peu plus de la carte ?

On a 8 cocktails qui sont des créations de saison, carte de 6 mois. Après on a bières, cidres, et notre collaboration sur les gin-tonics avec la distillerie de Paris. On a un gin qu’on a fait avec la Distillerie de Paris il y a un peu plus de 3 ans et on travaille aussi avec son gin batch et sa Vodka lime. C’est ce qu’on appelle les « magic tonic ».  Toujours avec le même gin, car c’est vraiment une identité que l’on voulait avoir. On aime bien ce côté touche à tout.

En plus de notre gin avec la distillerie de Paris, on a des rillettes avec Superproducteur à base de merlu, pastis, et fenouil.  On a sorti des sacs de sport, des tote bags, les stickers, les badges. C’est important, c’est sympa. En termes d’image, ça va bien avec notre lieu, on voulait de la cohérence et que les gens aient un fil conducteur sur qui on est, ce qu’on est, et ce qu’on propose aussi.

 

COPPERBAY Gin Tonic - ©Matthieu Joffres

 

Est-ce qu’il y a un cocktail que tu aimerais voir disparaître des cartes de bar ?

Non, vraiment pas. Chacun voit midi à sa porte comme on dit. Et il faut vraiment arrêter de dire « Eux ils font tel cocktail classique, etc ». Ce n’est pas vrai, car tout peut avoir un intérêt à partir du moment où c’est bien réalisé.  Il faut savoir vivre avec son temps. Forcément si tu fais un cocktail que tu as lu dans un vieux bouquin de 1940, avec les mêmes proportions alors que maintenant les produits ne sont plus les mêmes, ou n’existent même plus pour certains, c’est sur que ça ne marche pas.

Il faut laisser les gens s’exprimer. Plus il y aura de personnalités différentes dans notre industrie, avec des styles différents, et plus ça sera intéressant pour les gens et plus on cultivera cette culture cocktail en France. On a la chance en France d’avoir une scène qui est hyper soudée. Elle est soudée, car on a chacun notre personnalité et qu’on échange beaucoup.  On n’a pas peur d’échanger nos recettes. Et si on pousse tous dans le même sens on est plus fort que si on pousse tout seul. Par exemple, il y a plein de cocktails que je n’arrivais plus à boire. Et, quand tu tombes sur un barman qui te le fait d’une certaine façon, avec certains produits, et là tu redécouvres qu’en fait c’est super bon, car il a trouvé la balance parfaite qui te convient en tant que consommateur ! De toute façon il y a toujours des classiques qui reviennent de temps en temps à la mode. Tous les 3 ans, ça arrive, puis ça repart.

Quel est ton bar coup de coeur en France ?

J’en ai plein ! C’est horrible comme question (rires). Je peux en citer plusieurs ? J’aime beaucoup Danico, Frequence, Mary Celeste, Mabel !, Olala il y en a tellement que j’adore. Au secours ! Il y a bonhomie où je vais souvent. Ça dépend tellement de mon humeur.

Après je ne suis pas quelqu’un qui sort beaucoup, car avec le travail, on n’a pas toujours l’opportunité de sortir. Danico j’aime l’équilibre et la technicité dans les boissons, Fréquence je me sens super bien chez eux, tout est top que ce soit au niveau drinks, musique, nourriture. Tout est nickel. Mary Celeste, j’adore l’énergie qu’il y a là-bas et leur cuisine. Bonhomie, le lieu est super joli, et j’adore aller au Little Red Door aussi. Ça dépend vraiment de l’humeur !

Et dans le monde ?

Je me suis toujours sentie bien au Dandelyan. En France, on a cette connotation « bar d’hôtel égal bar non accessible au grand public ». Pas du tout en Angleterre. Bien au contraire. Il a, à la fois ce côté toujours au point et nickel sur les drinks, tout est bien balancé, c’est compréhensible. Quand j’y vais, même avec des gens qui ne sont pas de l’industrie, c’est cool parce qu’ils se sentent bien. Et le service est juste au top. C’est décontracté, mais pointu quand même sur le détail, mais tu ne le sens pas.

Chaque fois, les garçons là-bas quand j’y vais, ils me traumatisent : j’ai un souvenir d’un de leur barman Lorenzo, que j’avais croisé un an après à Athènes, au Bar Show, qui me demande si ça va. Sur le moment je ne le remets pas. Et il me répond: « je vois que tu ne me remets pas, je suis Lorenzo, j’étais au Dandelyan, t’es venue tel jour, avec telle personne, tu as bu ça ». Et je suis resté bouche bée. C’est tout ce que j’aime en fait.

Je trouve aussi qu’il y a une vraie belle énergie d’équipe là-bas. Une synergie que tu sens. Tu sens parfois dans les lieux que ça se passe très bien, mais pas plus. Là bas tu as une notion de cohésion qui est impressionnante. Ils sont tous différents, mais travaillent tous dans le même sens.

J’adore aussi SENIOS à Athènes. Le lieu est magnifique. La proposition basée sur le local est hyper bien réalisée. Tu sens que c’est fait avec le coeur, car ils aiment leur terroir, ils aiment leur pays.  Ils sont adorables. La scène grecque en général d’ailleurs, pas que les gars de Clumsies.

J’aime beaucoup Meerkat. Il y a une fraîcheur qui est très différente des autres bars athéniens. C’est grand, c’est clair. Tu respires. Les gars sont adorables. C’est typiquement le genre de bar où je peux m’asseoir au comptoir et rester très longtemps. Je ne vois pas le temps passer et je me sens bien. Je n’ai pas qu’une notion de drinks quand je vais dans un lieu. Je suis même limite plus touchée par l’énergie des gens et du lieu.

J’avais adoré Mint Gun Club à Londres, c’est tout petit et les drinks sont dingues. J’ai bu un Gilmet comme je n’avais jamais bu de ma vie. J’ai pris une claque ! Et le gars adorable. Quand je retourne à Londres, je sais que je vais y retourner direct.

J’avais adoré aussi Buck and Breck à Berlin. C’était il y a 4 ans. J’avais trouvé le service impeccable et les drinks hyper bien équilibrés. Cette notion de « pas de téléphone » ça pouvait frustrer les gens, mais je trouve que ça fait du bien. Cette espèce de grand bar, avec la station enclavée comme une grande table avec le barman au centre. À l’époque, personne n’avait fait ça.

 

T’as un mentor dans la profession ?

Tous les gens avec qui j’ai travaillés. Que ce soit Stephen Martin, Johann Burgos, Maxime Hoerth, Xavier Laigle, Joseph Biolatto, ils m’ont tous apporté quelque chose. Un mentor en particulier ? Je dirais non, car un seul mentor ferait que tu attrapes les mêmes qualités et les mêmes défauts. Tu apprends à dire « ça me ressemble », ou « ça ne me ressemble pas ». Car il n’y a rien de pire que de se forcer techniquement pour faire comme quelqu’un. La technique c’est très personnel au final. Le processus doit être le même, mais après il y a des choses qui sont apportées par toi en tant que personne. Ma passion pour les whiskies avec Xavier, ce côté très droit avec Stephen, l’hospitality avec Johann, avec Maxime la connaissance produit de dingue.

 

As-tu été frustrée avant le CopperBay car on t’imposait un style ?

Non ça va, car j’ai eu la chance de travailler avec des gens assez ouverts et qui savaient expliquer les choses. Je pense que si tu expliques les choses, le pourquoi du comment, ça passe. À part les codes de l’hôtel, mais tu sais à la base qu’il y a des codes dans un hôtel. Johann nous faisait rire quand il y avait des gros moments de pression. Il y avait une équipe super soudée. Au Hilton, on était très famille, on s’appelait la Famille d’ailleurs. L’équipe du bar, c’était l’équipe du bar. Tu ne touchais pas à l’équipe du bar.

C’est le cas aussi ici au CopperBay ?

Je pense que je suis très calme et très patiente, mais je pourrais très mal prendre qu’on touche à mon équipe. Si c’est quelque chose de vraiment méchant, c’est le seul truc qui pourrait me faire sortir de mes gonds. Je n’ai pas envie qu’on les blesse, je n’ai pas envie qu’ils travaillent dur pour rien. Je sais qui ils sont et je sais ce qu’ils méritent. Et qu’ils travaillent pour que ça se passe bien. Si quelqu’un arrivait et disait un truc méchant pour les blesser, qui est non objectif, ça me blesserait moi. Et quand je suis blessée, je ne suis pas gentille !

COPPERBAY Paris ©I.Mathie

As-tu un alcool fétiche en ce moment ?

(Rires). J’ai toujours eu un alcool fétiche qui est le whisky, le scotch et l’irish en particulier. Après j’aime beaucoup le vin aussi.

Pour le whisky, je pense que ça date de ma période Forvm avec Xavier. J’ai mis beaucoup d’années pour l’apprécier. J’avais vraiment du mal avec le whisky, c’était un spiritueux que je ne comprenais pas quand j’ai commencé. Je suis la fille bête et scolaire : je lis un bouquin, j’apprends par coeur. Et pour le whisky, je n’y arrivais pas. Je butais réellement. En plus, je ne voulais pas goûter, car je me disais que je n’aimais pas ça. C’était un blocage. Lors de mon examen de ma mention-bar, j’avais fait une mini-carte whisky pour me forcer, mais c’était une plaie.

Quand j’étais au Georges V , j’avais plusieurs jours de repos d’affilés. Le soir même, j’ai pris un billet d’avion, j’ai dit à mon copain « je pars 3 jours en Écosse ». J’ai visité des distilleries, hors saison de distillation, et j’ai eu la chance de rencontrer des master distillers, car je pense que je posais trop de questions. Il y a une guide qui m’a dit, ne bouge pas le master distiller est là. Et j’ai eu cette chance de rencontrer des gens vraiment chouettes qui ont pris le temps avec moi de me montrer. Le fait de voir, je pense que ça m’a beaucoup aidé. Ensuite, je suis tombée sur une fille dans un magasin de whisky, à Édimbourg sur le retour, qui m’a demandé ce que j’aimais comme vin ? Puis elle m’a expliqué que le whisky, c’est comme le vin : chaque whisky a son terroir, chaque terroir a son profil. Et il y a un profil  fait pour toi. Elle a sorti une bouteille, j’ai testé et je me suis dit à ce moment-là, j’aime le whisky !

Comment vous proposez les whiskies au CopperBay ?

On change régulièrement nos whiskies, et donc la carte c’est nous ! À chaque fois, on dit aux gens « n’hésitez pas, on est là pour vous guider ». Du coup, on va aller dans ce jeu de questionnement « qu’est-ce que vous aimez et n’aimez pas ? ». On va prendre ce temps pour papoter et faire tester quelque chose.

As-tu déjà eu des ingrédients étranges à travailler en cocktail ?

Houla. On avait un cocktail à la carte il y a 2 ans à la salicorne. C’était hyper dur, on faisait un gin infusé à la salicorne. Je voulais le travailler depuis très longtemps, mais j’avais du mal à trouver le dosage parfait. Et qu’il y ait aussi une similarité, car tu as beau mettre le même dosage dans chaque bouteille, ta salicorne peut-être plus ou moins salée.

On m’a demandé de travailler le safran aussi une fois, et je n’aime pas ça (rires). Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais l’impression de gâcher, sur ce cocktail-là en l’occurrence. Mais il faut toujours goûter. Il y a des choses qui peuvent paraître aberrantes quand tu lis la carte, tu goûtes, et tu te prends une claque. Si tu as un magicien qui sait équilibrer les saveurs parfaitement, je pense qu’il n’y a pas de limites, et c’est ça l’intérêt de notre métier.

Par exemple en ce moment on fait une vodka à l’échalote, dans notre cocktail Sergent Pepper, qui est notre cocktail axé food. On a eu des cocktails à l’avocat, à la tomate séchée, à la betterave, une vodka à la ciboulette… avec une saveur qui permet de rappeler un plat. On a toujours eu cette notion de food ici qui est très importante, et ça se sent dans nos cartes. Il y a toujours des épices partout, un côté salin, des vinaigres.

Les gens n’ont pas plus peur que ça de goûter. Au début ils regardent « Vodka échalote » et nous demandent si c’est vraiment ça. Mais on les rassure sur le fait que ce n’est pas ça qui domine, et qu’ils ne vont pas avoir une haleine d’échalote pendant une heure (rires).

CopperBay - Pickeback collection

Comment vois-tu évoluer le monde du bar en France ?

Je pense qu’il va y avoir de plus en plus d’ouvertures de bars en province, car il y a énormément de villes qui ont des scènes-bars fabuleuses (Lyon, Montpellier, Bordeaux, Marseille, Lille). On voit aussi sur Nantes et Rennes que ça bouge. Strasbourg qui cartonne aussi. On arrive aussi à un stade sur Paris, où il y a beaucoup beaucoup de propositions, donc les gens ont vraiment franchi le cap d’aller dans les bars à cocktails de façon plus régulière. On est plus sur le rythme d’une fois toutes les 2 semaines on va dans un bar à cocktails, voir toutes les semaines.

La dynamique française, je la trouve plutôt bonne parce que chacun a sa patte, mais on travaille tous ensemble. Tant qu’on réussira à le faire perdurer, on réussira à faire quelque chose qui se passe bien. Et ça ne tient qu’à nous. Si demain tout s’arrête, car plus personne ne veut aller dans les bars à cocktails, c’est qu’on aura fait des erreurs : ne pas être compréhensible du grand public, d’ être allé trop loin, ou qu’on a oublié l’hospitalité. Qu’on se souvienne qui vient dans ton bar, ce qu’il aime ou n’aime pas. Qu’il ait toujours la même qualité, peu importe l’heure à laquelle il est servi. L’hospitalité c’est la clé.

Les compétions de barmen, il y a trop, pas assez ? Elles se ressemblent trop ?

En tant que fille qui a fait des compèts ? (rires). Ça a bien évolué ! Quand on a commencé, notre génération, il y a 12 ans, tu n’avais pas autant de voyages de barmen organisés par les marques. Tu n’avais pas autant de compétitions. Tu n’avais pas accès non plus aux mêmes connaissances : 3/4 des bouquins, on se les faisait livrer des États-Unis. Maintenant, il y a un accès à tout qui est bien plus facile pour la nouvelle génération et qui va utiliser les choses d’une façon différente. Les clés ne sont pas les mêmes. Les choses motivantes ne sont plus les mêmes non plus. Cette génération aime le côté compétition, car elle se retrouve là dedans. Elle aime créer, bouger. Après certaines compétitions se ressemblent, mais les 4 – 5 plus grosses pas du tout. Moi par exemple j’aime la compétition et j’ai besoin de compétition pour me mettre des coups de pied aux fesses. J’aime me mettre en danger et ça me permet de me dire « bouge toi ».

Ça te dirait d’en refaire ?

Complètement !! Mais après, je connais aussi l’investissement que ça représente en termes de temps, en termes d’argent. Si tu prends la décision de faire une compétition, soit tu t’investis à 100%, soit tu ne t’investis pas et tu ne la fais pas. Pour moi c’est très clair. Il faut que la marque te plaise, le concept de la compet te plaise, et surtout y aller à 100%. Sinon c’est leur faire perdre leur temps, et te faire perdre ton temps aussi. Et c’est aussi ton image, donc il faut faire attention. Et potentiellement l’image de ton établissement.

À un moment j’avais stoppé (le dernier c’était Chivas il y a 3 ans maintenant), mais ça reste l’un des plus beaux souvenirs de ma vie. T’as une notion de souvenir. La finale de Chivas à Shanghai pour moi c’était magique. J’y étais allée, car j’aime le whisky, mais le bar venait d’ouvrir depuis presque 1 an et demi. On était encore dans plein de trucs donc je ne m’étais pas dit « c’est cool tu vas partir à Shanghai ». C’était même l’effet inverse « Mais il faut que je parte 1 semaine ? Mais je ne peux pas, j’ai un bar ! ». Mes associés ont été tellement gentils, en mode il n’y a pas de problème. Mais tu t’infliges un stress supplémentaire à cause de l’image du bar. Je suis partie, je n’étais pas sereine à cause de ça. J’angoissais limite plus de mon résultat vis-à-vis du bar que l’on venait d’ouvrir que si j’avais été toute seule et que je travaillais pour quelqu’un d’autre.

Après tu as tout le côté positif, ça crée des liens. On était 15 pays, plus de la moitié je leur parle encore régulièrement et il y en a 2 avec qui je suis restée très très proche. On aura vécu une aventure tous ensemble et ça reste fort avec un soutien les uns envers les autres. Ça restera l’une des expériences les plus marquantes de ma vie. C’est ça qui donne envie d’y retourner ! Et après de se prendre une claque en perdant ça te remet dans le cadre. Ce n’est pas toujours négatif de perdre.

CopperBay Portrait - Aurélie, Elfi et Julien ©Matthieu Joffres

C’est d’ailleurs ma prochaine question, as-tu connu des échecs ?

Plein. Les échecs les plus grands c’est quand tu perds en compétition. Il faut savoir perdre et savoir comprendre pourquoi t’as perdu et se remettre en question. Quelquefois, il y a des lieux où je me prenais la tête avec le reste de l’équipe, car j’ai un tempérament qui est particulier, ou, car je ne faisais pas les choses comme il fallait. Et ça te bouffe. Car tu n’arrives pas à comprendre pourquoi, même si les gens te le disent. Du coup c’est dur de passer au-dessus de ça. Mais ça t’apprend aussi à te bouger les fesses, à se poser pour comprendre. Je pense  que c’est à partir du moment où tu ne te remets plus en question que c’est fini. Le jour où tu te dis, c’est bon, je sais tout, alors arrête. Mais vraiment. Personne ne sait tout faire. Personne n’est parfait. Ça n’existe pas. Dans n’importe quel corps de métier.

Quelques conseils à donner à un barman qui commence dans la profession ?

Une seule chose paie, c’est le travail. Le bar c’est un tout : c’est savoir accueillir, savoir proposer un drink équilibré, savoir être techniquement propre, être organisé, savoir gérer la lumière, la musique. C’est tout ça un bar, ce n’est pas juste un cocktail. Si tu sais maîtriser ce tout, tu seras un bon barman.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2019 ?

Une super année aux CopperBay Paris et Marseille. Ça me va très bien. Toujours autant de voyages, car c’est quelque chose qui me tient beaucoup à coeur. Si je ne voyage pas, j’étouffe. Et c’est déjà très bien. Si ça continue comme ça, moi je suis bien comme ça. Si CopperBay Paris et Marseille vont bien, et si les équipes vont bien, moi je suis bien !

Pourquoi venir découvrir le CopperBay ?

Car on est très sympa (rires). En plus c’est vrai, mes équipes sont super sympas. Ils travaillent bien et ils y mettent du coeur. Tout ce qu’on fait, on le fait avec le coeur. On adore faire découvrir nos signatures (cocktails, pastis, food). Venez comme vous êtes, on vous accueillera comme vous êtes et on prendra plaisir à passer du temps avec vous !

COPPERBAY Cocktails - Tod's Revenge - Collection Hiver 2018 ©Matthieu Joffres

 

CopperBay Paris

Du mardi au samedi
De 18:00 à 02:00

5 rue Bouchardon | 75010 Paris 

 

CopperBay Marseille

Du mardi au samedi
De 18:00 à 01:00

36 bd Notre Dame | 13006 Marseille

 

Author

Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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