Nous connaissons Colin Lach depuis plusieurs années. Nous l’avons vu grandir sur la scène cocktail jusqu’à remporter l’année dernière le concours international 1883 Drink Designer Contest !
À l’occasion de ses nouvelles fonctions (chef barman de Monsieur Moutarde), et la sortie de la nouvelle carte, nous avions rendez-vous avec Colin.

Pour commencer cette interview, comment étais-tu enfant ? 

J’étais curieux, rêveur, tête en l’air. Je n’ai jamais eu de direction ultra définie. Et ça me suis encore aujourd’hui. J’ai toujours aimé découvrir de nouvelles choses. 

Quel a été ensuite ton parcours ? 

Je suis vosgien. J’ai grandi jusqu’à 8 ans dans une petite vallée, où l’on ne voyait pas la maison des copains les plus proches. Ensuite, j’ai déménagé dans les Vosges plates. J’ai fait un bac techno à Épinal. Puis une fac de Lettre à Nancy, mais je ne me voyais pas faire ça. Je suis parti un an en Écosse en Erasmus. Quand je suis revenu, j’ai fait un master qui me destinait à enseigner. Mais pas mal d’aspects me disaient que je ne voulais pas faire ça toute ma vie. J’ai grandi dans un restaurant, j’ai participé à ça. Donc après le Master, je ne pouvais pas rester sans rien faire. Je suis donc retourné à la restauration, car je cherchais un job et je passais de temps en temps derrière le bar. J’ai vu qu’il existait des formations dans le bar. Je suis parti à Montpellier, dans une formation sérieuse, Ypnotik Bartending. C’était une superbe expérience. J’ai appris énormément en un mois, et j’ai eu le déclic. 

Je suis retourné à Nancy et j’ai commencé dans une petite brasserie, mais qui était loin d’être un bar à cocktails. Puis, mon premier vrai job de barman a été à La Plantation à Nancy, un bar spécialisé dans le rhum. 140 références à la dégustation et on faisait des cocktails à côté. J’ai bossé 2 ans avant de venir à Dijon, à Monsieur Moutarde. Comparé à mon âge, je me considère comme un débutant, car à 30 ans, certains ont 12 ou 14 ans d’expérience derrière le bar ! (rires)

Je connaissais Florent Beuchet via des salons professionnels, un des associés de Monsieur Moutarde qui a fondé aussi La Compagnie des Indes. Et quand j’ai vu qu’il ouvrait ce projet à Dijon, ça me plaisait bien ! J’avais besoin de changements. Je l’ai contacté, on s’est rencontré et ça collait. Et ça fait 2 ans que je suis à Monsieur Moutarde. 

Et aujourd’hui tu es chef barman de Monsieur Moutarde ! 

Chef barman, avec des responsabilités de bar manager. Monsieur Moutarde est un bar à cocktails. Nous sommes en Bourgogne donc nous avons une grosse carte de vins, mais aussi de spiritueux. Nous sommes dans une petite ville de province et le cocktail est quelque chose qui se développe, mais qui n’est pas établi. Nous travaillons des choses bonnes et des cocktails équilibrés. Nous sommes loin de ce qu’on peut proposer à Londres, Paris ou d’autres capitales mondiales du cocktail. Car ce n’est pas le moment de proposer ça à Dijon, la clientèle n’est pas là. Il faut savoir aussi que l’on est entre 180 et 200 places assises. C’est assez gigantesque. Nous sommes dans la catégorie des bars à cocktails à gros débit : par mois, on monte à 6 000 cocktails. Avec le cadre que l’on a, et l’équipe que l’on a, c’est gigantesque. 

Monsieur Moutarde est le premier bar à cocktails de Dijon ? 

Je ne connais Dijon que depuis mon arrivée à Monsieur Moutarde, mais de ce que j’en sais à quelques nuances près, oui on peut dire ça.. Le cocktail n’était pas développé : tu pouvais en boire dans certains endroits. Sans heurter les gens, mais ce n’était pas dans une approche très actuelle… À part quelques beaux bars d’hôtels où l’on pouvait trouver des cocktails correctement travaillés. 

Dijon, terre de vin bourguignonne, comment sensibiliser les consommateurs aux cocktails ? 

Ça se fait assez naturellement. Ça les intrigue. Et c’est tendance. On en parle partout en ce moment, ça leur donne envie d’essayer. On a eu beaucoup de curieux et maintenant nous avons une grosse clientèle d’habitués ! Nous avons une éducation à faire au niveau du cocktail, mais nous sommes en Bourgogne, et les gens aiment boire du vin, donc on ne peut pas se passer de ça. 

Avec 180 places assises, nous sommes aussi une place forte au niveau des touristes. Ils ne viennent pas spécialement pour le cocktail, mais, car on parle positivement de nous. Mais eux aussi se laissent tenter par les cocktails. Même s’ils prennent du vin, on prend autant de plaisir à les servir, car le but c’est que les gens qui viennent chez nous repartent plus content que lorsqu’ils sont entrés à Monsieur Moutarde, et qu’ils passent un bon moment ! Si c’est avec du vin, ça ne pose aucun souci. Mais le gros que l’on vend, c’est du cocktail. 

Quelles sont tes inspirations dans la création ? 

Autant j’ai de l’imagination, mais pour la création de cartes, je reste très terre à terre. Je pars des ingrédients pour trouver quelque chose qui me plaît. Et ensuite les saveurs se mélangent dans ma tête. On veut travailler de saison, ce qui semble logique et évident. 

Nous avons beaucoup de chance, car nous n’avons pas d’obligations vis-à-vis de fournisseurs : pas d’accord avec de grands groupes. Donc nous avons carte blanche pour les produits ! Ce qui nous laisse partir dans tous les sens. 

Nous avons toujours un petit thème sur la carte qui se retrouve sur les noms des cocktails, la charte graphique de la carte ainsi que les petites histoires. 

Et ensuite, c’est un travail d’équipe avec tout le monde : chacun a quelques recettes à lui sur la carte, et je me charge de la cohérence générale. Cela forge l’équipe, car tout le monde est impliqué. 

Est-ce que tu te brides parfois pour la carte  ? 

Certains cocktails marchent moins bien que d’autres. Parfois, on a envie de mettre des choses à la carte, mais il faut résister, car on sait que ça ne prendra pas. Nous sommes un commerce donc le but reste de survivre et de prospérer. Si nous mettons à la carte des choses qui ne fonctionnent pas, ça ne sert à rien. Donc essentiellement, on propose des cartes accessibles, et ensuite, des choses plus osées, que moins de gens prendront, mais qui sont là pour satisfaire ceux qui veulent tester des choses inattendues. 

Par exemple, sur chacune des cartes nous avons intégré un cocktail qui contient la moutarde d’une façon ou d’une autre : infusion d’alcool à la graine de moutarde, liqueur de moutarde, teinture de moutarde avec un fatwash d’huile de moutarde, etc.  On trouve toujours des manières de jouer avec dans ce cocktail qui s’appelle Monsieur Moutarde. On en est au #5. 

Donc nous essayons de pousser les consommateurs pour qu’ils sortent de leur zone de confort en matière de cocktail. Mais s’ils veulent un mojito, on leur fait un mojito sans problème ! 

La carte été 2020 de Monsieur Moutarde

Parlons de cette nouvelle carte ! 

La carte contient 16 cocktails au total, 8 recettes à nous (5 base spiritueux et 3 low abv), une sélection de 4 classiques légèrement twistés et 4 sans alcool. On sent que le sans alcool représente une grosse partie de nos ventes. Sur certaines soirées, il arrive que les best sellers soient du sans alcool ! Ce sont des cocktails que l’on travaille autant que les autres. 

Nous avons une majorité de longs drinks (7). Et on espère que l’on va avoir un été bien chaud pour que les gens puissent en profiter dans notre cour intérieure pour boire des cocktails rafraîchissants. 

Le thème est la mer, car on manque de plages à Dijon (rires).

Quels sont les cocktails de la nouvelle carte !

Les 2 premiers sont assez représentatifs : le premier est simple à boire, avec du rhum. Je sais que l’on va en vendre des pelletées !

Pour le second, nous sommes sur des choses plus interpellantes, que les gens ne connaissent pas. Un short drink avec l’élément principal gustatif qui est la verveine. Un bitter Bergamote pour le côté agrume. Et la liqueur Verveine qui est très locale, qui vient de Marsannay-la-Cote. C’est une toute petite distillerie, ils font deux liqueurs, quelques eaux-de-vie. Les deux liqueurs sont magiques ! Ensuite, nous avons 3 ingrédients à base de raisin : verjus, vin de Xérès, et un moscatelle portugais pour le côté gourmand. Un cocktail complexe, mais amusant. Mais nous savons que l’on en vendra moins que celui juste avant. 

Ensuite, on repasse sur des choses plus faciles et on essaie d’alterner comme ça. Mais toujours avec une touche originale. Par exemple, en intégrant le Calvados que j’adore. Je l’ai découvert pendant les Les Trophées des Calvados. Plus j’en bois et plus j’aime ce spiritueux. Donc j’apprécie qu’on en intègre dans un cocktail à la carte ! 

Dans un autre cocktail, nous avons un sirop de Bourgogne Aligoté maison. Ça remplace facilement un sirop simple, mais on apportant de la complexité assez discrète. C’est intéressant les sirops de vin, car ça nous permet de recycler une bouteille de vin ouverte il y a 2 jours et qu’on ne souhaite plus vendre au verre. Nous ne la jetons pas, mais nous la recyclons en la proposant autrement. 

Tu as essayé de prendre cet aspect écologique en compte pour cette carte ? 

Nous sommes loin de certains bars. On utilise encore des jus de citron par exemple. Mais nous essayons autant que possible de le prendre en compte. Nous utilisons un verjus bourguignon. On essaie aussi de favoriser le travail avec les producteurs locaux. On a l’approche, mais il nous reste une marge de progression. 

Et visuellement cette carte est magnifique ! 

On a quelqu’un qui nous fait la carte : Ben. Il était là justement hier soir pour discuter des derniers détails. Les petites punchlines en dessous des cocktails, c’est lui aussi qui les écrit. 

Le thème de cette carte est autour de la mer. Nous travaillons les noms des cocktails et ensuite il a carte blanche pour les illustrations. 

En ce moment avec les règles sanitaires en cours, les cartes sont via QR code ce qui n’est pas l’idéal quand on a de belles cartes comme les nôtres. Mais aussi vis-à-vis de notre clientèle qui commence à 20 ans, mais qui va jusqu’aux couples de personnes âgées. Pour ces gens-là, les smartphones, ce n’est pas tout à fait ça. Donc on leur donne les cartes physiques et on les laisse repartir avec. Ou malheureusement on les jette. Nous sommes obligés de garder quelques cartes physiques. 

Un cocktail que tu aurais aimé inventer ? 

Il n’y a en a pas qu’un seul ! (rires). Le Daiquiri. Quand je ne sais pas ce que j’ai envie de boire, je prends un daiquiri ! Tu as besoin de si peu pour faire si bon ! Ce genre de cocktail me fascine, car on y retourne toujours. Maintenant on retourne vers la simplicité et la sobriété. L’approche intemporelle est ce que j’aime boire et faire !

Des bars coup de coeur ? 

Le Bar 18/81 à Birmingham m’intrigue tellement, et uniquement avec ce que je vois sur les réseaux sociaux. C’est un bar qui travaille de manière pointue, tout en étant mystérieux. 

Après sur Paris, Mabel j’adore. Fréquence, et 1802 aussi ! Sur Lyon, au Pélican j’ai adoré le cadre. 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’année à venir ? 

Que l’on s’amuse ! Que l’on continue à faire de belles choses chez Monsieur Moutarde, car on aime ça !

Author

Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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