Sous un soleil de plomb parisien, nous avions rendez-vous avec Nicolas Munoz dans son nouveau repère Divine, situé non loin de Kouto, Bonhomie, Le Syndicat, dans le bouillonnant 10e arrondissement de Paris. Changement de décor pour son nouveau projet. Rencontre avec Nicolas sur son parcours, ses établissements Divine et Bisou. , ses projets et ses inspirations.

Nicolas Munoz Bar à cocktail Divine Paris

Quel est ton parcours avant le bar ?

Je viens de Marseille. Je suis fils de restaurateurs. J’ai fait un bac littéraire, puis des études de droit jusqu’au Master. Pour payer mes études, j’ai fait des boulots dans la restauration et je suis tombé amoureux du service.  Au début, c’était dans un pub pendant trois ans : le Frog. Là bas, nous ne faisions pas de cocktails, juste des choses très basiques. Mais ça te met un pied dans le monde du bar et d’apprécier le service client. Mais aussi, ça permet de commencer à t’intéresser aux produits avec lesquels tu travailles. À 25 ans, j’ai ouvert, sans vraiment avoir bossé dans un vrai bar à cocktails, Bespoke qui a bien marché.

Comment s’est passé la transition d’employé, à gérant de ton établissement ?

Bespoke, je l’ai ouvert en me disant « on va faire à manger, on va faire à boire, nous allons essayer de faire les deux correctement. On verra ce que ça deviendra ». Quand j’y repense, je ne le ferais pas du tout de la même manière. Je n’avais pas pesé les complexités qu’il allait y avoir. Mais, ça me manque cette époque où tu y vas de manière très naïve, sans te poser de question. Tu charbonnes, tu fais du mieux que tu peux. Bespoke a ouvert comme bar et restaurant. Au bout de quelques mois, je me suis rendu compte que c’est dans le bar que je mettais le plus d’énergie et de créativité. Et ensuite, le bouche-à-oreille a fait le travail. Nous nous sommes fait connaître et respecter dans ce milieu. Bisou. a ouvert 3 ans après.

Comment t’es-tu formé aux cocktails ?

Je lisais des bouquins. Je goûtais des choses. La première carte était bien moins élaborée que les suivantes. Je me suis formé tout seul, à aimer le produit et le mélanger. Je crois que j’ai un palais qui m’a permis d’y aller seul. J’ai eu la chance d’avoir un coup de main de mes parents pour ouvrir mon premier rade à 25 ans, mais je n’avais pas les moyens de me staffer et de m’entourer de personnes qui étaient plus compétentes que moi.

Bitters sur un bar

L’aventure Bespoke a duré combien de temps ?

Ça a duré 3 ans et demi. Ensuite, nous nous sommes fait évincer par notre propriétaire. Nous avons la chance d’être dans un pays où, à 25 ans, j’ai pu ouvrir mon premier rade car j’avais la chance d’avoir un gouvernement qui me permettait de toucher le chômage en lançant ma boîte. Et quand le propriétaire n’a pas voulu nous renouveler le bail, il a dû nous verser une indemnité d’éviction. On a la chance dans ce pays d’avoir une notion de fonds de commerce qui n‘existe pas ailleurs.

Entre temps, nous avons ouvert Bisou. Nous étions à la recherche d’un deuxième local. C’est un petit local et nous n’avions pas encore le concept de Bisou. Lorsqu’on nous l’a proposé, nous nous sommes dit que ça allait être cool, car nous allions pouvoir travailler sans menu. Et c’est parti de là.

Donc, c’est le local qui a influencé ton concept ?

Je crois beaucoup que c’est le local qui détermine beaucoup de choses. On a fermé Bespoke en 2017, je voulais ouvrir rapidement autre chose. Finalement, on a ouvert Divine 1 an et demi après. J’ai visité vraiment beaucoup de locaux. Il y a eux deux ou trois projets qui étaient à chaque fois différents. Tu vas dans le mur si tu pars avec un concept trop fort que tu essaies de faire entrer quelque part. Nous avons toujours des idées, puis on visite les locaux et là on se dit que l’on pourrait faire autre chose en fonction des vibes. Nous avions des projets de grosses brasseries. Un autre projet de petit café français, avec du cocktail. Mais finalement ici, nous avons voulu faire avec ce bar une grosse partie fun, un peu retro, un peu décalé, avec plus de surface afin de pouvoir accueillir des groupes.

Salle bar à cocktail Divine

À quel moment tu t’es dit qu’il serait intéressant d’avoir plusieurs établissements ?

Rapidement, car j’ai toujours eu la chance d’avoir des équipes autour de moi qui sont top. Je fais confiance aux gens, et à partir du moment où tu peux prendre du recul sur un établissement et ne pas y être tous les jours, que ça tourne bien avec des gens hyper investis, tu te dis que tu pourrais en ouvrir un deuxième.

La phase pré-ouverture est celle que j’aime le plus, en dehors du service.  Il y a eu Bisou. et Bespoke. Il y a maintenant Bisou. et Divine. Je pense qu’il y a aura un troisième. Il n’y a pas de projet précis pour le moment, mais je pense que j’aurai des envies de troisième établissement.

Toujours à Paris ?

Je n’ai pas envie de rentrer chez moi à Marseille, car je considère que ce n’est plus chez moi. Je pense que c’est très important de connaître le lieu où tu t’installes. Tu ne fais pas n’importe quel bar, concept, dans n’importe quel pays. Je pense que c’est important de s’intégrer dans la communauté dans laquelle tu es. Je n’ai pas de désir d’international, car nous sommes bien en France. Je n’ai pas les dents qui raillent le parquet dans le sens où j’ai envie de manger le monde. Je fais des choses à mon rythme, petit à petit, et je pense que c’est comme ça que ça fonctionne.

J’ai ce côté petit commerçant que j’aime beaucoup. Je ne me considère pas comme un businessman. J’ai besoin d’être dans le rade et d’avoir le feeling et savoir comment ça se passe. J’aime bien le principe d’avoir des relations personnelles avec tous les gens avec qui je travaille. Je ne sais pas jusqu’où on va aller, mais je ne suis pas sûr d’avoir envie d’avoir 20 établissements et d’être dans mes bureaux.

Boule à facette bar à cocktail Divine

Tu passes encore derrière le bar ?

Ça m’arrive. Mais c’est assez frustrant d’être derrière le bar dans ton établissement, car tu n’as pas une visibilité globale sur tout ce qui se passe. J’aime bien tout savoir. Bien sûr, je prends du plaisir quand j’y suis, et tu as une interaction différente avec tes clients que quand tu es en salle.

C’est quoi les qualités que tu recherches chez les personnes qui t’entourent ?

Je vais rechercher le pourquoi ils font ce métier. Si c’est juste pour faire des cocktails et faire des tricks, ça ne m’intéresse pas. S’ils font ce métier pour le service, c’est un gros point. Si tu n’aimes pas la salle c’est compliqué, car ça veut dire beaucoup de choses sur comment tu vois le boulot. Et après il y a beaucoup de feeling. Je n’ai pas de cahier des charges avec des cases à cocher. Tu peux parfois avoir le meilleur CV du monde et tu rencontres la personne en face et ça ne le fait pas.

Qui travaillent sur les cartes ?

À Bisou., il n’y a pas de carte donc ça va vite. Pour Divine, l’équipe n’était  pas encore en place. Donc, j’ai fait la carte. On a fait un tasting avec toute l’équipe de Bisou. à l’époque. Puis, nous avons changé deux trois choses. Sur la prochaine carte sur laquelle nous commençons à travailler et qui sortira début 2020, nous allons bosser en équipe. Tout le monde peut s’exprimer.

Menu du bar à cocktail Divine Paris

Quelles sont tes sources de créativité ?

Je vais te répondre un truc très bateau, mais je vais te dire partout. Sur la carte de Divine par exemple, le premier cocktail à base de tequila, c’est une inspiration lors d’un voyage au Mexique. Ce deuxième cocktail, je voulais un cocktail démocratique qui plaît au plus grand nombre, donc c’est un clin d’oeil à Bisou. J’aime bien boire des rhums agricoles Daiquiri depuis quelques temps.
Le Pastis, ça reste ma signature depuis que j’avais fait ça pour la Bacardi Legacy.

Je voulais aussi un cocktail pas cher, car pour la démocratisation du cocktail c’est important d’avoir un cocktail en dessous de 10 euros.

Nous avons aussi 2 cocktails sans alcool et c’est important de les pousser, car il faut que tout le monde puisse trouver des choses bonnes avec, mais aussi sans alcool.

La carte va changer tous les combien ?

Nous allons la changer au bout de 8-10 mois. Et après nous verrons. Là, c’est une carte d’ouverture donc c’est compliqué de la garder trop longtemps. C’est aussi une question de budget : tu as un graphiste, une couverture. Ce n’est pas romantique de dire ça, mais une carte comme celle-là, tu ne la changes pas tous les 3 mois.

Menu du bar à cocktail Divine Paris

Tu évoquais la Bacardi Legacy, qu’est-ce que ça t’as apporté ?

Ça m’a apporté plein de rencontres avec une expérience géniale. Je l’ai faite après 3 compétitions que je n’avais pas préparées. Mais ça ne marche pas comme ça. Donc c’était un petit défi envers moi. Je l’ai bossée, je l’ai bien préparée. À la base, c’était parti d’un pari avec Sullivan et Remy Savage. On avait trinqué en disant qu’on allait tous s’inscrire à la Legacy.

D’avoir gagné la Bacardi Legacy France, ça m’a fait connaître. Ça m’a permis de me dire quand tu veux faire quelque chose, même si tu t’étais vautré auparavant, quand tu bosses tu peux y arriver.

Quelle est l’inspiration derrière Divine ?

J’avais une frustration à Bespoke et Bisou. , c’était de ne pas pouvoir accueillir de groupes. Quand nous avons visité ce local, nous nous sommes dit qu’ici on pourrait le faire. C’est grand, en angle, il y a de l’espace, donc on voulait quelque chose qui soit ultra moderne, et en même temps confortable. Beaucoup de choses qui se font aujourd’hui sont froids, et je ne voulais pas ça. Le but c’est que Divine soit un endroit fun, accessible, où tu puisses venir avec tes potes. Nous avons du vin, de la bière, des cocktails, et de la food.

À Divine, tu peux rentrer par hasard et trouver tout ce que tu aimerais trouver en plus dans un bar.

T-Shirt Divine Bar à cocktail

C’est quoi ton regard sur la scène parisienne du bar ?

Beaucoup de gens disent qu’il y a une saturation du nombre de bars, ce qui expliquerait que certains fonctionnent mal ou pas. Je pense qu’on est encore en pleine expansion, et qu’il y a de la place pour tout le monde. Mais il faut être sur le bon créneau au bon moment, et sur le bon emplacement. C’est important d’être installé dans un quartier où tu as d’autres options autour de toi.

Bisou. , on est proche de la Candélaria, du Mary Céleste, du Little Red Door, de la Mezcaleria. Le client se dit : on va tester Bisou. , et si on veut bouger, il y a plein d’options après. Ici, c’est pareil. À aucun moment tu es bloqué. C’est important de s’inscrire dans un des Triangles d’or du cocktail.

Il y a le service qui est important. Si les gens sont mal reçus, alors ils iront ailleurs. Et il faut être honnête en termes de tarif.

Quels sont tes bars préférés ?

On ne sort plus, on est vieux (rires). Le syndicat, Copperbay, le little Red Door, chez Martin pour boire du vin. La Candélaria il y a toujours une bonne vibe. La mezcaleria. Golden Promise que j’ai bien aimé car tu y vas pour l’expérience. Kravan aussi c’était bon. On aime tout le monde !

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’année à venir ?

Que Divine se lance bien et fonctionne aussi bien que Bisou. Nous sommes une dream-team ici donc il n’y a pas de raisons que ça ne fonctionne pas, mais restons humbles. Nous allons tout faire pour que ça marche. Tu as toujours une part de doute en toi et cette part, il faut la garder. C’est ce qui permet de mettre les bouchés doubles pour que ça fonctionne. 

Backbar bar à cocktail Divine
Tireuse à bière bar Paris
Author

Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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[…] comme Dante qui sont dans l’innovation, mais qui partent de bases classiques pour travailler. Et Bisou. : ce sont de super potes qui font partie des gens qui m’ont inspiré pour le low Waste. Ou encore […]

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