Élément intimement lié à la culture cocktail, le vermouth français reste étrangement boudé par… les Français ! D’ailleurs, le consommateur ne connaît même plus ce mot. Nous avons essayé d’y voir plus clair et de comprendre ce paradoxe avec Pierre-Olivier Rousseau, président de Dolin, vermouth de Savoie. 

Vous allez certainement redécouvrir la France cet été pour vos vacances. Pourquoi ne pas également redécouvrir son patrimoine éthylique ? Il a du très bon à vous offrir ! 

Dolin, une success story à la française

S’intéresser à Dolin, c’est s’intéresser au patrimoine des alcools régionaux français. Mais aussi, c’est se plonger dans la géographie, le terroir et la politique. Dolin a vu le jour en 1821 en Savoie à Chambéry. À cette époque, la Savoie ne fait pas partie de la France, mais l’Italie n’existe pas encore (fondée en 1861). 

La Savoie et l’Italie du Nord font partie du royaume des ducs de Savoie. Des liens très forts existent entre les deux régions.  

Le fondateur de Dolin, monsieur Joseph Chavasse, est un apothicaire, mi pharmacien, mi-médecin, qui va s’intéresser à des boissons qui permettent de soulager les maux du quotidien. 

Lors d’un de ses voyages à Turin, il découvre des boissons apéritives qui ouvrent l’appétit et l’appétit.  Après tout en Savoie aussi, il y a du vin et des plantes. À son retour en Savoie, il décide de créer sa recette de Vermouth. 

Le Vermouth rouge a été créé en 1780 à Turin par Carpano. En 1821, c’est le vermouth de Chambéry qui voit le jour. 

Carte ancienne Chembery Dolin

Donc le vermouth est Italien ou Français ?

« On dit que le vermouth est italien. Non, le vermouth a été inventé à Turin qui, à cette époque-là, faisait partie du royaume de Piémont Sardaigne dont les Savoyards faisaient partie également », tranche Pierre-Olivier Rousseau. 

D’ailleurs, c’est la maison Comoz, deuxième plus vieux fabricant de vermouth à Chambéry juste après Dolin (aujourd’hui disparue), qui inventa la recette du vermouth blanc en 1881. 

Le vermouth de Chambéry  a connu ensuite son heure de gloire, poussée par la folie des bars à cocktails à travers le monde. 

Le vermouth est l’un des ingrédients essentiels pour les cocktails. Sur les 100 meilleurs cocktails au monde. Entre 30 et 40% de ces cocktails ont un des vermouths comme ingrédients. 

« Les cocktails les plus consommés au monde (Negroni, Old Fashioned, Boulevardier, Presidente…) ont du vermouth comme ingrédient.  » Dolin comprend très vite l’engouement pour ce produit et s’exporte très vite. Un million de litres produits et une médaille d’or au concours de Philadelphie en 1876 ! On comptait à l’époque 8 fabricants de vermouths à Chambéry. 

Un temps que regrette Pierre-Olivier Rousseau : « Le consommateur français a évolué et ne sait plus ce qu’est un cocktail. La masse des consommateurs veut un Martini blanc ou rouge. Mais ils ne savent pas que ce qu’ils veulent déguster, ça s’appelle un vermouth. Si le barman connaît son métier et propose un vermouth blanc au consommateur, le client va quand même demander un Martini. Le consommateur a complètement perdu cette connaissance. » 

La dégringolade du vermouth de Savoie…

Comment après un tel succès expliquer que le vermouth de Savoie se soit cassé autant la figure ? La première semaine de congés payés et les deux guerres mondiales.

« Dans chaque région, ou zone française, chacune avait son apéritif, ou sa boisson alcoolisée locale. En Savoie, c’était le vermouth. Et toutes ces boissons régionales ont commencé à se casser la figure avec la première semaine de congés payés, car les Français sont partis au soleil et ont découvert le Ricard. Pour avoir le souvenir de leurs vacances à leur retour, ils ont demandé à leur bistrotier du Ricard.

Et les deux guerres mondiales ont contribué également, car les Français ont découvert à ce moment le whisky qui a remplacé définitivement les boissons régionales. Aujourd’hui, il ne reste que Routin et Dolin ». 

…Avant sa résurrection actuelle !

Depuis 10 ans, le vermouth fait son retour. « Avec une montée en puissance via les réseaux sociaux, mais aussi la connaissance et la formation des bartenders. Pour moi un bon bartender, c’est l’équivalent d’un chef étoilé en cuisine. Et un chef étoilé il vous propose un plat où il va utiliser les meilleurs ingrédients possibles : il va chercher les meilleures viandes, les meilleurs légumes et non issus d’un supermarché. Un bartender de bon niveau, s’il propose un Negroni, il va proposer un gin de qualité et un vermouth de qualité. Il ne pas pas utiliser une marque de base” ajoute Pierre-Olivier Rousseau. 

Une résurrection qui porte ses fruits, puisqu’il est possible de croiser les vermouths Dolin sur les cartes des meilleurs bars à travers le monde (Danico, House Garden…).

Mais une résurrection qui est loin d’être acquise : « Nous sommes face à de grands acteurs internationaux qui ont des moyens marketing monstrueux. Il y a un article ce matin dans un grand quotidien français sur le Negroni, et ils ne parlent que de Vermouths italiens… Il faut que ça évolue et qu’on puisse proposer des cocktails de qualité. »

Ajouter à cela un marché français qui est très attaché à son vin et à sa bière. Comment faire aimer et connaître le vermouth français aux Français ? 

« On ne trouve Dolin que chez les cavistes, car nous avons besoin que les gens comprennent notre produit. En supermarché, les consommateurs français achètent soit du premier prix, soit du Martini, soit du Cinzano. D’ailleurs, les gens devraient s’intéresser à ce qu’ils achètent, car bien souvent ce n’est pas du vermouth. Nous, nous ne trahissons pas nos origines, et c’est pour cela que le prix n’est pas le même : nous sommes dans une autre catégorie fiscale ». 

Comment déguster facilement le vermouth français Dolin ?


Pierre-Olivier Rousseau à de quoi vous faire aimer à nouveau le vermouth français Dolin :   » Je vous fais un Spritz avec du Dolin rouge et ça donne quelque chose d’exceptionnel et deux fois moins de sucre que ce que l’on trouve actuellement ».

Ou encore plus simple : Vermouth rouge ou blanc qui sont des produits sucrés. On ajoute juste du Perrier ou de la Badoit. Beaucoup de glaçons et une tranche d’orange pour le vermouth rouge, ou de citron pour le vermouth blanc. Ainsi, on (re)découvre le vermouth avec un apéritif très facile à faire cet été !

Dolin Vermouth rouge français
Dolin Vermouth blanc français
Dolin Vermouth dry français

Author

Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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