Nous aurions aimer l'interviewer dans son antre végétal du 11e arrondissement de Paris "House Garden". Mais confinement oblige, c'est via Skype qu'Olivier Martinez nous a fait par de sa bonne humeur ! En plus, à la fin de l'article, retrouvez son cocktail phare à faire en confinement !
Si tu devais te décrire étant enfant ?
J’étais curieux. J’ai grandi dans le Sud, je suis né le 1er Mai 1984 et j’ai toujours eu l'âme curieuse. Entre 4 et 6 ans, je savais qu’il existait dans les briques des nids d’abeille, et j’avais mis mon oeil à travers . Je me suis retrouvé avec une dizaine de piqûres…
Ensuite, j’ai fait un diplôme dans la biologie, biochimie. Ensuite, je me suis orienté dans le monde du bar. Mon meilleur ami avait son père qui était directeur de la restauration dans un hôtel Barrière. Je faisais des extras pour pouvoir me payer mon scooter.
Je suis monté ensuite à Paris, en 2010 ou 2011 pour l'hôtel Montparnasse.Et de là, j’ai eu l’opportunité d’aller à Dubaï en 2014, quand j’avais 29 ans. Grosse claque avec un gros niveau. J’étais le petit français qui arrive à Dubaï avec un accent dégueulasse. C’est bien que les jeunes puissent plus voyager maintenant pour bosser leur anglais, et leur curiosité au travail. Tous les manuels, les conférences étaient en anglais.
Pourquoi avoir fait le choix de partir à Dubaï ?
J’ai un cousin, Jimmy Barrat, qui est était manager du groupe Zuma. On m’avait proposé un poste de Bar manager et je savais que Jimmy était à Dubaï. Je me suis dit vas-y, tu ne seras pas tout seul, et il pourra me donner des conseils. C’est ça qui m’a donné un coup de pied au cul.
Je pensais connaître le bar avant de partir, mais en fait non. Il y a un sacré niveau d'exigence et de perfection là-bas. Mais aussi, une grosse concurrence. Je suis resté 3 ans, et ensuite je suis reparti en France. Puis, je suis devenu Brand Ambassador France pour Angostura. Et ensuite, il y a eu l’ouverture du Hoxton à Paris. Après 9 mois, on avait vu ce qu’on voulait voir et il nous restait l’entrepreunariat à connaître. C’est-à-dire écrire notre projet sur le papier, le développer, récolter les fonds, le présenter.
Avant de parler plus en détail de ton établissement “House Garden”, tu te souviens de quand t’est venu l’envie de faire bartender ?
Ca vient d’une personne que j’ai rencontrée : le père de Damien, mon pote d’enfance. C’est ce moment où tu es derrière le bar et tu t’apprêtes à servir des trucs dégueulasses comme des vodkas orange. Et à ce moment, tu te rends compte que tu peux faire des cocktails à la demande.
Tu t’es formé comment ?
Jimmy dit souvent “avant d’être la tête, il faut être les mains”. Il faut connaître les basiques. On a à disposition un panel de livres fantastiques. Le premier que j’ai eu c’est The Bon Vivant’s Companion de Jerry Thomas. C’est une bonne synthèse. Et aujourd’hui, tu as Liquid intelligence pour connaître les nouvelles techniques. Bartender Curiosity aussi. Et après, tu as l’apprentissage. Il faut faire, il faut tester et ne pas avoir peur de se foirer. Car c’est en se foirant que parfois, tu tombes sur quelque chose.
Il faut écouter aussi les conseils en faisant tester. Le partage est essentiel dans notre métier.
As-tu des mentors dans la profession ?
Je dirais que j’ai Alberto Mereu, directeur de la restauration de l'hôtel d’Evian. Jimmy Barrat aussi qui est pour moi quelqu’un d’exceptionnel. Ensuite, j’ai un chef qui m’a beaucoup inspiré, Philippe Jourdain. C’est le chef des cuisines du Four Seasons à Fayence.
Des personnes humaines et ouvertes.
Parlons de ton établissement House garden. Ça trottait dans ta tête depuis combien de temps ce projet ?
Ça devait bien faire 4 ans. Je me disais qu’il fallait le faire. C’était important d’avoir notre propre accueil. Ne pas être stéréotypé par un process ou une façon de faire. Les gens viennent dans l'établissement pour toi. Ne pas être obligés d’avoir des intermédiaires. Même si à terme, le but serait d’en avoir plusieurs. Deux se seraient cool.
Tout était clair dès le début ? Car le low ABV, principe du House Garden, était à ses balbutiement il y a 4 ans ?
C’est à Dubaï que j’ai pris conscience de ça. Il y a beaucoup de bar managers anglais, italiens et Sud Africains. Il y a un gros level, et en plus il fait chaud là bas. Donc si tu commences sur des trucs qui matraquent la gueule, ce n’est pas bon pour le client, qui en plus va moins consommer. Tu as 5 mois d’été, plus le ramadan. Tu peux ne pas aller sur des choses trop puissantes. Donc, tu diriges vers des cocktails plus élégants, plus gazéifiés. Il y avait un bar manager canadien qui avait sorti le premier négroni gazéifié, servi en long drink. Ajoute à cela la réglementation à Dubaï qui est plus drastique : c’est zéro alcool dans le sang. C’est un constat de mes expériences low ABV qui m’a poussé à ouvrir House Garden.
C’est quelque chose qui peut détonner pour le public parisien non averti. Comment ça a été accueilli ?
À partir du moment où tu accueilles bien les clients et que tu prends le temps de leur expliquer, ça va. C’est pour ça aussi que l’on a pris une petite structure pour commencer. Nous avons eu un démarrage progressif qui nous a permis d’accentuer le côté explicatif. On parle des effets de l’alcool, des jeux de textures et de ce qui se passe au niveau du palais.
Comment tu décrirais House Garden ?
C’est un lieu hyper accueillant dans un cadre végétal, et sur un côté on prend soin de vous, aussi bien par la qualité des produits à manger que via les cocktails, qui sont faits pour vivre une expérience gustative.
Personne ne sort ivre de ton établissement (rires) ?
On n'est pas là pour dire non au client. Les cocktails low ABV sont sur notre carte signature. Mais quelqu’un qui nous demande n’importe quel cocktail (negroni, old fashioned etc), on lui fait !
Je pense qu’il faut dire merci à Top Chef et ce genre d’émission, car de plus en plus de gens s'intéressent à découvrir via la cuisine, le monde du bar avec les arômes, les liens etc. Ça éveille une curiosité !
Ton inspiration vient d’où ?
Partout. J’ai un exemple qui vient de la nouvelle carte qui devait être lancée le 22 mars (rires). Au moins elle est prête ! Je marchais et je repensais à une blague italienne de mon père sur les couilles de chèvres : le mec est allongé, un autre type passe et demande l’heure. L’autre lève les couilles du mouton et lui donne l’heure. Il lui demande comme il fait et il répond “en levant les couilles, je vois l’horloge de l’église”.
Des trucs tout cons, et de là tu vas sur le lait de chèvre, un peu d’origan et d’herbes de Provence. Tu continues sur ce qui irait avec : tu trouves le rhum. Tu affines avec un petit assemblage sherry et Martini blanc. Et tu enchaînes.
L’inspiration de base vient vraiment de tout : ce que je lis, ce que je mange, ce que je sens. On n’a pas de thème avec les cartes, comme certains le font, par exemple Remy Savage qui l’avait fait avec le thème minimalisme, et qui était génial.
Nous, on balance des arômes, des associations, un peu comme des savants fous. On teste et on voit. On n’a pas d’architectures pour ne pas se limiter. Et enfin, on trouve les noms. Un des cocktails qui a le plus marché au début s’appelait “Suze mon bout”, tout simple, mais bien équilibré.
Vous ne vous prenez pas au sérieux à House Garden !
Tu sais, nous ne sommes personne. On est juste là pour faire vivre une expérience. On est des passionnés. On a de l’amour pour les clients et on ne se prend pas la tête. En ce moment, les personnes qui sauvent des vies, ce sont eux les vrais Dieu...On essaie juste de faire plaisir aux gens. C’est notre première expérience et on verra si ça marche ou non. Mais il faut kiffer et positiver.
T’as connu des grosses galères et l’envie de tout arrêter ?
Non jamais. Mais c’est souvent lié à des histoires de coeur. Je suis avec une femme merveilleuse, mais j’ai déjà eu des copines qui m’ont dit c’est le bar ou moi. Après tu choisis toujours ton boulot, car tu aimes ton boulot. Je me dis que mon objectif de carrière n’est pas terminé. J’ai un objectif de carrière à atteindre. Je suis au milieu, et je ne vais pas rentrer tout de suite.
Un cocktail que tu aurais aimé inventer ?
Je n’ai pas la prétention de dire ça, mais je suis un fan de Sazerac et du BandB ! Il y a un hommage à Monsieur Stephen Martin qui nous a mis derrière le bar une bouteille de BnB de 1960. On ne la touche pas.
Ton alcool préféré ?
J’aime travailler avec le mezcal, mais en ce moment, je suis plus orienté sur les liqueurs. 30&40, je trouve ça très intéressant et on peut travailler avec toute l’année. Je me peaufine aussi sur les sherry.
Un bar préféré dans le monde ?
Je vais dire Zuma à Dubaï pour l’ambiance, l’atmosphère et la qualité des drinks. Quinari aussi. Et après, j’aime beaucoup Fréquence et Divine à Paris. Et deux touts petits bars : le 1930 à Milan et Ferdinand à Beyrouth.
Comment tu vois le monde du bar français ?
Très positif, avec un bon level. Les marques jouent un bon rôle dans tout ça en nous aidant beaucoup. Vous nous aidez aussi en tant que blogueurs. C’est une bonne vibe. Mais avec ce qui se passe, on risque d’y perdre des plumes.
Tu penses qu’il y aura un avant et après coronavirus ?
Il faudrait demander à un psychologue. Est-ce que ça va être la psychose d’aller dans des lieux confinés ? Comment vont faire les pubs qui sont blindés ? Nous, on a la chance de pouvoir garder une activité avec une distanciation possible.
La première chose que tu feras une fois le confinement terminé ?
J’ouvre toutes les fenêtres du bar, je mets la musique à fond et je fais l'apéro au balcon de 18h à 20h et comme ça, tu finis par la haie d’applaudissements pour le personnel soignant !

Un cocktail à nous conseiller de faire pendant le confinement ?
Le petit bouchon ! Simple. Notre cocktail phare :
- 2 cl jus de citron
- 2 cl sirop de thym (1:1 avec 20g de thym)
- 10 cl chardonnay
Tu shakes, tu sers dans un beau verre ballon. Une branche de thym en garnish, un twist de citron et tu bois ça avec le temps qu’il fait sur ton balcon !