Nico de Soto. Interview au comptoir.
Le monde du bar connaissait Nico de Soto, élu meilleur bartender 2014 français lors de Cocktails Spirits Paris. Après être en train de tout cartonner à New York et de placer son établissement dans le top des bars à cocktails new yorkais, le français est de retour sur ses terres avec Danico, et s’offre au passage une notoriété qui dépasse le milieu. Et hors de question pour lui de jouer la sécurité, ou de se croire au dessus de la mêlée. Interview Nico de Soto, un passionné, au parcours atypique, dans son bar de la galerie Vivienne !

Comment était Nico de Soto plus jeune ?

Ma jeunesse, ça remonte à bien longtemps. Pour être honnête, je ne peux pas dire que j’ai une vie très excitante. J’ai eu mon bac ensuite j’ai fait un DUT informatique et après ça je n’ai pas eu envie de continuer là-dedans. J’ai fait trois années de mannequinat j’ai fait facteur aussi !

Je ne savais pas trop ce que j’allais faire donc je sortais dans des raves parties. Et un jour je découvre le working holiday pour l’Australie en 2004, et à l’époque c’était mon rêve d’aller en Australie. Ce visa m’a permis donc d’aller là-bas sans devoir dépenser énormément d’argent. Donc je suis parti et c’est là que ma vie a vraiment changé. C’est là que j’ai découvert mon métier que j’ai découvert également ma passion. Avant j’avais bien des passions comme le tennis, mais je n’avais pas vraiment de fil directeur dans la vie à part faire la fête (rires) . Je suis arrivé là avec pour but de rester un an à Sydney, de bosser ici et d’en profiter pour m’améliorer également en anglais. Là-bas tu découvres et tu rencontres énormément de personnes qui voyagent en sac à dos. Je me suis dit et pourquoi pas en profiter pour faire un tour de l’Australie. C’est à ce moment-là que j’ai contracté le virus du voyage et en même temps il fallait que je trouve un boulot. Je me suis dit pourquoi pas le bar. Si je vais dans ce que j’aime, c’est à dire la techno les filles et puis en même temps, que ça rapporte de l’argent (rires).

Je ne connaissais pas du tout ce milieu du bar et des cocktails. Donc au début j’ai bossé dans des bars à volume. En rentrant en France, j’ai aussi continué pendant quelques années à faire des bars à volume, mais c’est en feuilletant des livres sur les cocktails que je me suis rendu compte que tout ce que je faisais c’était de la merde et je me suis vraiment remis en question pour travailler tout ça. Au début tu découvres des recettes que tu essayes et qui fonctionnent bien sur les clients. Ensuite j’en avais marre de la France donc je suis reparti, mais cette fois-ci pour travailler dans de bons bars à cocktails. C’est là qu’on a commencé à m’apprendre à faire des infusions, des sirops.

Je suis rentré en France travailler au China club puis, à l’Expérimental Cocktail club et l’ouverture du Mama Shelter.

Quand tu es parti en Australie, tu parlais déjà anglais ?

Je parlais anglais, mais le niveau scolaire. J’avais déjà été en Angleterre, je pouvais bien le comprendre, je pouvais le lire, mais de là à avoir une vraie discussion, c’était compliqué !

Tu as appris le métier de barman dans les livres ou c’était un plus ?

Les premiers bars où j’ai travaillé c’était de la rapidité donc mes vraies bases c’est dans les livres que j’ai appris. Mon premier bouquin que j’ai acheté c’est le bouquin de Julien Escot « Art of cocktail », et c’est celui que j’avais avec moi quand je voyageais partout.  En Amérique du Sud, j’apprenais les recettes de ce bouquin, c’était la base. Après en Australie, j’ai acheté mon premier bouquin en anglais, puis en travaillant dans des bars  comme l’Experimental, puis New York où c’est là ou tout a vraiment décollé !

New York, parlons-en !

Avant, au Mama Shelter, on avait fait un bon menu, je bossais avec Jo, les gens nous regardaient, car on faisait une carte un peu différente en 2008 de ce que les autres pouvaient faire. Mais après New York mon rêve, c’était de m’installer là-bas. Tout ce que je voyais sur le PDT, et les autres bars venaient de là-bas, pour moi c’était le summum. En plus, je savais que c’était un endroit où tu faisais de l’argent grâce aux pourboires.  Au départ, je suis parti avec mon sac à dos, dans un bar qui s’ouvrait qui s’appelait Dram, qui en fait a été une ouverture dont tout le monde parlait à ce moment-là, j’ai rencontré toute l’industrie, j’ai énormément progressé au niveau technique, c’était 6 mois fous en regardant les autres et en bossant. Il n’y avait que 5 cocktails sur le menu, le reste c’était bartender choice, donc tu te renouvelles sans cesse, en regardant dans les bouquins  Milk & Honey, qu’on te passait, mais il fallait surtout ne le dire à personne. C’était la base, mais avec ça je savais que j’allais faire de bons cocktails.

C’est après que j’ai bifurqué dans les infusions, les sirops, plus regarder les techniques modernes, car je trouvais le classique chiant et répétitif .  Une fois que tu as appris et que tu as tout goûté, je m’ennuyais avec ce genre de truc.

D’où t’es venu l’envie de faire barman ?

C’était un hasard. Un boulot pour manger au départ. J’étais sûr de ne pas vouloir rester là dedans, car barman en France c’était à l’époque un métier sans avenir et devenir barman à 30 ans c’était genre limite la honte. Donc pour moi c’était une transition. Mais c’est en testant et en rencontrant des gens dans le milieu que je me suis dit c’est de la balle. Mais ça a été progressif, je suis passé de c’est de la balle, mais je ne veux pas faire ça non plus toute ma vie. Âpres tu passes Bar manager, tu as des responsabilités et tu te dis, pourquoi pas, j’ouvrirai mon bar un jour.

À quel âge t’es-tu dit ça ?

La trentaine. J’ai commencé tard, en 2005, j’avais 27 ans. Maintenant, ça fait 11 ans que je fais du bar. Par rapport à d’autres gens qui ont fait l’école hôtelière, moi j’ai un parcours particulier.

Par rapport à ton parcours,  as-tu connu des grosses galères ? Des envies de tout arrêter ?

Il y a toujours eu des projets crescendo depuis mon premier retour en France, donc non à partir du moment où j’ai commencé sérieusement le bar, je n’ai pas eu vraiment de galère. Je n’ai jamais eu ce truc de me bloquer. J’ai toujours mélangé avec des voyages.

Même à Londres, où c’était dur, j’ai toujours vu l’opportunité derrière.

Des coups de pouce ou des coups de bol pour en arriver là ?

Bien sûr ! Souvent, je me suis dit que j’avais une bonne étoile vu la vitesse à laquelle tout s’est enchaîné. Tiens je vais te raconter l’histoire d’un coup de bol ! Quand j’étais arrivé à New York, les 6 premiers mois, je n’avais pas de papiers. J’ai été voir tous les grands bars, mais tous me disaient « tu n’as pas de visa, laisse tomber ». Les gens me soulaient à New York à cette époque. On était en club, je rentre et je me dis « Fais chier, je rentre, ras le bol de New York » . Et j’avais mon entretien pour Dram le lendemain midi, mais je me dis de toute façon, le mec va me dire pareil, tu n’as pas de visa on t’embauche pas, donc je n’y vais pas !  Je vais pour booker mon billet d’avion en ligne et le site ne marchait pas. Je n’arrivais pas à payer et j’étais bourré, donc je me dis je le prendrai demain. Le mec de Dram m’appelle le lendemain en me demandant pour 14h au lieu de midi. Je me dis que ça ferait une expérience de plus, voir ce qu’il demande. J’y vais et je lui dis dès le départ que je n’ai pas de Visa. Le mec me répond, pas de problème, je t’embauche ! Si le site Internet du billet d’avion avait marché la veille, je serais rentré ! Alors que c’est grâce à ce poste que j’ai été mis dans la lumière comme le français qui sortait de nulle part et qui bossait dans la grosse ouverture de New York.

Gros coup de bol aussi que Sasha Petraske veuille ouvrir un bar avec moi. Pourquoi moi ? Il y a toujours une grosse part de chance dans une carrière, ça, c’est clair.

Ton inspiration dans la création des cocktails a changé ?

J’essaye d’être toujours un peu plus pointu. J’adore bosser avec des sirops, des infusions. Ma première carte au Mama Shelter, j’avais créé un truc au fat washed Bacon en 2008. Un cocktail infusé au Malabar avec de l’acide citrique en rim. Je ne referais jamais ça aujourd’hui, mais il y avait quand même cette idée de jouer avec ce que j’avais. Dès le début, j’avais envie de créer et pas seulement assembler ce qu’on avait au bar. De plus en plus j’essaye de faire le pont avec le monde de la cuisine. J’adore goûter beaucoup de dessert, car parfois ça me donne des idées. Les voyages aussi, je suis tout le temps en train de rechercher les boissons de rues un peu inconnues avec des fruits ou des plantes particulières pour ramener des choses inconnues d’autres pays. J’adore voyager donc c’est le lien.

Un cocktail que Nico de Soto aurait aimé inventer ?

La clarification, mais c’est plus une technique qu’un cocktail. J’adore le milk punch mais ce n’est pas moi qui l’ai inventé !

Sinon le zombie, car c’est un cocktail bien équilibré et qui défonce (rires). C’est tiki, fun, avec le rhum que j’adore, et avec un gout unique !

danico

Ton alcool préféré pour travailler ?

Le rhum ! Et l’aquavit !

Un bar préféré aujourd’hui ?

Mabel, car c’est le bar d’un de mes meilleurs potes : Joseph. On a grandi ensemble dans le bar. On a bossé ensemble au Mama Shelter, on s’est poussés, même si dans sa ligne il est plus sec et bitter. Même au niveau de notre carrière, on se regardait toujours, on se donne des conseils, on s’inspire. Et son bar c’est comme la maison. Avant, quand je venais à Paris je dormais chez eux, ma deuxième famille. Donc Mabel sans hésiter.

Le Monde du bar parisien ?

Pour l’instant, il ne manque pas grand-chose. Ça a progressé très vite, ils font beaucoup d’effort, avec beaucoup de créativité. Je trouve que ça manque encore un peu d’équilibre. Beaucoup jouent avec des saveurs, mais l’équilibre n’y est pas. Je pense que ça va venir, car c’est une scène qui est jeune. J’aime bien la prise de risque et l’ambiance de la scène parisienne. J’espère que ça va rester comme ça, car de temps en temps t’as l’impression que des grosses têtes commencent à apparaître et ça serait dommage. Ça rejoindrait certaines scènes comme New York ou Londres, alors que pour l’instant c’est une grande famille.

Niveau technique, ils bougent partout, ça s’inspire. Avant ils regardaient trop d’en bas New York et Londres, mais certains cocktails sont plus créatifs maintenant que sur certaines ouvertures à New York, ça c’est clair.

Il y a de la recherche dans les concepts comme le Syndicat avec La commune, bonhomie, la candelaria. Tu vois que c’est quand même des bars différents avec des thèmes.

Sur l’étranger ?

Ça bouge comme à Paris. Avec les bars shows, Internet. Quand j’ai commencé, tu ne trouvais pas grand-chose, aujourd’hui tu tapes des recettes pointues et tu trouves tout sur Internet. Même au niveau des produits. Tu y ajoutes la mise en avant des barmen maintenant et ça permet à la plupart des pays d’être à un super haut niveau ! Mais en France, même en province, tu peux trouver des bons bars à cocktails.

En Allemagne, Cologne ou même Frankfort, ont des scènes intéressantes. Ça se développe de partout et plus seulement dans les capitales.

Ça devient global. On peut boire de la qualité un peu partout !

Y a-t-il une saturation des concours de barmen ?

C’est une saturation au niveau de la reconnaissance. Mais tant mieux, car ça permet de voyager, de rencontrer des autres barmen. Après ça peut créer des grosses têtes assez vite. Le fait qu’il y en ait plus, c’est plus compliqué pour les gens de dire « je suis le meilleur ».  Le mauvais côté des compétitions, c’est que ce n’est pas toujours le meilleur qui gagne.

Les réseaux sociaux, es-tu adepte ?

Le perso, c’est terminé. (rire) Quand tu atteins une certaine notoriété, tu dois arrêter les statuts « je suis bourré ! ».

Ça devient pro. La seule chose que je me permets de partager c’est la musique électronique, car j’aime bien ça. J’utilise juste Facebook et Instagram, mais pas Twitter, et Snapchat j’ai arrêté tellement c’est navrant.  On m’avait dit d’utiliser Snapchat pour le bar. J’ai créé le compte, mais j’ai vu les vidéos et je n’ai pas vu l’intérêt : la poubelle des réseaux sociaux !

Dans le milieu du bar, Facebook est encore le plus utilisé et le plus gros.

Les objectifs de Nico de Soto ?

Deux autres projets sur 2017, dont une ouverture de bar, c’est tout ce que je peux dire maintenant. Perso, j’ai une grosse tournée de bar shows / pop up sur le début d’année sur l’Asie et l’Australie : à chaque fois un séminaire et un ou deux guests.

Sur New York, je préfère concentrer les efforts sur Mace qui a un très bon concept et que je préfère maintenir le niveau

Pourquoi les lecteurs doivent tester Danico ?

L’équipe et la qualité de l’accueil ! Ce sont tous des gens qui ont bossé à l’étranger avec une grande ouverture d’esprit et ça se ressent. Le nombre de gens qui me disent «ton équipe s’est tellement bien occupée de nous». Et c’est tellement important dans un bar à cocktails d’avoir un super service.

On a aussi un petit labo, et les cocktails sont originaux par les techniques, les saveurs recherchées et ça plait aux gens également !

Danico paris

Interview de Nico de Soto réalisée au bar Danico.

Author

Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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Ariane
Ariane
7 années il y a

Super interview : c’est riche, c’est passionné et passionnant.
Je regrette seulement le fait que ce soit retranscrit sans petits arrangements de syntaxe. Mais je comprends la volonté de rester fidèle aux mots de Nicolas de Soto.
Sinon merci, très belle découverte de NdS !

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