Nous vous l’avions promis, nous l’avons fait, une nouvelle rubrique fait son apparition sur ForGeorges : le comptoir de Georges ! Initié par Célestine, une amie de Georges, elle va durant plusieurs mois parcourir les bars pour les rencontrer, connaitre leur rapport aux marques, leur façon de communiquer !
Pour cette première interview ForGeorges a rencontré Simon Chollet, barman au Sherry Butt et vainqueur de la compétition Hendrick’s HIMSELF ! Simon c’est quelqu’un qui aime son métier et surtout les gens, c’est avec patience et gentillesse qu’il s’est prêté à l’exercice (acceptant les aléas techniques de cette première interview !) En prime, il nous a refait son cocktail gagnant à voir dans le Vine ! ForGeorges te remercie Simon !
Célestine de ForGeorges : Merci de m’accueillir chez toi ! Commençons par les travaux pratiques, tu me sers quoi pour accompagner cette interview ?
Simon : Comme il fait doux et que tu es une fille, je te sers quelque chose de légèrement acidulé certainement avec un peu de champagne, frais et pétillant. Au Sherry Butt nous avons un cocktail qui s’appelle le Belle en Bulle, qui marche auprès des hommes et des femmes (un de nos best seller).
La composition :
– Pisco, spiritueux venant du Chili ou du Pérou (ils ne sont pas d’accord entre eux), à base de raisin poussé à maturation
– Sirop de poire giroflée fait maison, ce qui nous permet de contrôler le produit de A à Z
– Citron jaune
– Champagne
Les barmen sont des créateurs, mais les classiques ont un jour été une nouveauté. Quel cocktail aurais-tu voulu inventer ?
Les barmen ne sont pas seulement des créateurs, notre métier c’est avant tout un mélange de relation avec le client et de connaissances ! Mais le cocktail que j’aurais voulu inventer c’est le Old Fashioned
Quelle est ta principale source d’inspiration ?
La cuisine ! Beaucoup ! J’étais cuisinier avant d’être barman. Puis aussi la vie, les voyages, les rencontres…
T’es connecté comme barman (twitter, facebook, forums) ? le web tu t’en sers pour quoi ?
Les réseaux sociaux, je m’en sers pas beaucoup à la base, même si on est de plus en plus obligé de s’y mettre pour promouvoir l’établissement.
(Hendrick’s m’a fait de la pub, j’en ai un joué un petit peu !). Je ne suis pas sur twitter, juste un Facebook perso et celui du bar.
Le problème du web c’est la fiabilité de l’information, je fais attention aux sources que j’utilise. Je m’en sers pour me tenir informé sur les nouveaux produits, le matériel de bar. Je compare les sites anglais et français, je me méfie des traductions qui peuvent être faites ; et c’est plus difficile de trouver toutes les infos en France. Je regarde aussi les sites de marques, toujours en faisant attention, l’objectivité n’est pas toujours au rendez-vous ! En tout cas comparer les sites permet d’avoir une vision plus large.
On dit que les voyages forment la jeunesse, est ce que ça forme un barman ?
Ça forme complètement un barman ! J’ai beaucoup voyagé jeune dans les îles, je me suis imprégné de certains produits de là-bas, même si ils ne sont pas toujours faciles à trouver. Je suis aussi parti en Australie pour un road trip, c’est là-bas que j’ai découvert le bar et la restauration. Quand on voyage on fait des rencontres et c’est ça qui nous rend plus intéressants et plus sûrs.
Ton prochain voyage c’est où ? Tu visiteras quel bar ?
Les Canaries ! Mais pour des vacances. Comme barman je partirais plutôt en Asie… Cambodge / Laos / Thaïlande, la culture est vraiment différente, les asiatiques sont plus pointus au niveau du goût et des textures, ils ont des produits inattendus. Il y a de vraies découvertes à faire.
J’aimerais bien visiter le Gen Yamamoto Bar au Japon. Lui, c’est un japonais qui a travaillé à New York, il a fait un bar en bois de Mizunara. C’est un bois rare ancestral qui sert à faire des fûts de whisky. En plus il fait travailler les producteurs locaux, c’est développement durable, il est sûr d’avoir la meilleure qualité possible de produits.
Barman c’est une vocation, c’est grâce à Tom Cruise que tu as voulu faire ce métier ? Quand tu étais petit, tu voulais faire quoi ?
C’était pas du tout une vocation, je suis parti en Australie parce que je ne savais pas ce que je voulais faire. Mais quand on découvre le métier et ses opportunités, c’est assez grandiose et ça se rapproche énormément de la cuisine, sauf qu’il y a le contact client en plus et ça me manquait. Mais ça n’a rien à voir avec Tom Cruise ! Quand j’étais petit, je voulais être explorateur… quelque chose comme ça.
L’alcool est une base importante dans un cocktail, mais il n’y a pas que ça, quels types de produits préfères-tu travailler pour créer un cocktail ?
En dehors de l’alcool, ce sont les sirops « maison » et les émulsions qui me plaisent le plus, l’aspect technique des extractions d’arômes c’est génial !
Dans la série Misfits les personnages se retrouvent avec des super-pouvoirs suite à un orage, si tu pouvais en choisir un, lequel ça serait ?
Je contrôlerais la glace ! FreezeMan ! c’est l’élément le plus important du bar, il y a plein de glaces différentes. Ici on travaille la glace pure.
Il y a de plus en plus de concurrence à Paris depuis peu de temps, que penses-tu de cette nouvelle notoriété des bars à cocktails ?
Je n’appellerais pas ça de la concurrence, c’est plutôt une éclosion positive, il était temps qu’à Paris on ait des bars dignes de ce nom. En plus on est tous amis, ça permet une effervescence, il y a un effet « grappe d’innovation ». Comme c’était le cas à Londres ou New York il y a une dizaines d’années.
Au foot, parler des poteaux carrés c’est l’idéal pour faire croire que tu t’y connais, en mixologie il faut parler de quoi ?
Je n’aime pas trop le terme mixologie, on perd l’aspect premier du bar qui est de faire plaisir au client. C’est marrant je ne sais pas d’où ça vient, nous sommes des barmen simplement. Mais si tu veux te la raconter faut que tu parles de la glace pure : il faut que l’eau soit dans un récipient fermé, ce qui la coupe de l’air. Le processus de congélation est plus lent, les impuretés congèlent avant l’eau et tombent au fond. Du coup il y a une partie du bloc blanche (qui fond plus vite et qu’on ne conserve pas) et une partie transparente qui va fondre doucement, ça apporte un rapport dilution / froid optimal.
En France avec la loi Evin c’est assez difficile pour les alcooliers de communiquer, en revanche dans le monde ils rivalisent d’ingéniosité. Selon toi, quel a été le meilleur coup de communication (BtoB ou BtoC) d’une marque ?
La communication n’est pas quelque chose que je suis de près, mais ce que j’aime c’est ce qu’il se passe à Paris en ce moment : le Whisky Live, le Cocktail Spirit… Pour le client comme pour nous, ça permet de tester et de découvrir les nouveautés, d’échanger des informations claires avec le fabricant. Et ça nous permet de se retrouver et de faire la fête ! Lancer une marque pendant ces événements c’est vraiment être au coeur du sujet.
Quel est ton souvenir de la plus grosse soirée que tu aies pu faire ?
Ahahahah ! Je me souviens d’une soirée, ce n’est pas joli. C’est quand j’étais parti travailler à l’Expérimental Cocktail Club London. Pour mon dernier soir ils m’ont offert un gros Mai Tai dans un gros Tiki mug ! Je me souviens avoir bu ça, puis avoir continué la soirée, perdre ma cravate dans les toilettes d’un restaurant et me réveiller en bas de mon appart’ !
Vous êtes comme les médecins, pas le droit de parler de vos patients, mais je suis sure que t’as un potin à me raconter, je demande pas de noms promis !
Ouais, la déontologie du barman c’est il voit tout, il entend tout mais il dit rien !
Mais bon… au Prescription, c’était avec mon ancien chef de bar, Xavier Lusso… une fille vient au bar, elle voit les oeufs dans un verre, nous demande ce que c’est et Xavier lui à répondu « Ah ça ! c’est des kiwis du Bangladesh », elle y a cru. On quand même fini par lui dire ! C’était vraiment drôle !
T’as un remède contre les cheveux qui poussent le lendemain ?
Boire de l’eau ! un verre d’alcool / un verre d’eau. Ici on sert toujours un verre d’eau avec le cocktail, en plus elle est micro-filtrée !
Il y a eu une mode des Sminorff Ice, des Jell-O shots… Quel est le produit le plus étrange que tu aies vu sur le marché des spiritueux ?
Bommerang ! Direct ! C’était vraiment pas bon ça ! en plus la couleur vert fluo chimique… ça ne donnait pas envie.
Plein de spiritueux ne sortent pas en France (ou beaucoup plus tard que sur les autres marchés). Lequel voudrais-tu voir commercialiser ?
Malheureusement ! Certains whiskys japonais, ça coûte cher à l’exportation et ce sont des merveilles de leur pays qu’il gardent pour eux, un peu comme certains cognacs ou calvados qu’on garde ici. Ca fait la rareté du produit, c’est ça qui est beau. Ou alors le gin Martin Miller pour faire des Dry Martinis.
Chez Georges on parle de spiritueux mais aussi de vin, une bonne bouteille à me conseiller ?
Alors y a une que je te déconseille, c’est le goon australien, le vin des backpackers… sur l’étiquette il y a écrit 65% de vin !
C’est bientôt ton anniversaire ? Tu veux quoi comme cadeau ?
C’est en Octobre, je voudrais une bouteille de whisky japonais Hanyu. C’est une distillerie qui a fermé en 2000, la plupart des fûts ont été rachetés par Chichibu mais il reste quelques bouteilles numérotées difficiles à trouver. Ils vieillissent leur whisky dans des fûts de sherry. D’ailleurs il est possible de visiter les vignobles de sherry à Malaga.
Question carte blanche, quelque chose a ajouter, un message à faire passer ?
Venez voir au Sherry Butt comment on travaille ! Et dites merci à Hendrick’s pour le voyage, je vais pouvoir faire mon batch, choisir les arômates pour faire mon gin.
Merci pour ton temps, un dernier conseil, qui je devrais aller interviewer après toi ?
Après moi, tu peux aller voir Xavier Lusso au Prescription, qui est la première personne qui m’a marqué.
Plus d’infos sur www.sherrybuttparis.com