Lors d’une virée commune pour découvrir les rhums Ron Abuelo, Georges a croisé Flavio. Ou plutôt recroisé, car leurs chemins s’étaient déjà croisés lors de la Campari Barman Competition, où tous les deux faisaient partie du jury. Flavio pour le décrire, c’est un phénomène : un parcours atypique, une double culture franco-italienne, et une bougeotte qui le pousse à créer toujours plus (de nouveaux établissements, de nouveaux alcools, de nouvelles idées pour ces établissements). Pour autant, il a su rester abordable et passionné. Et ça fait du bien ! Georges a profité d’un cadre idyllique pour l’interroger sur sa vision du bar.

Flavio, peux-tu me dire où nous sommes aujourd’hui ? 

On a les pieds dans l’eau et ce n’est pas une blague. On est en face de Panama, juste à la frontière, sur une île abandonnée avec 6 cabanes où l’on va dormir, dans un territoire indien.

Peux-tu nous raconter ton parcours ? 

(Propos censuré…). Rires. Je suis né et ensuite j’ai vécu toute ma vie en France, car ma mère est française. J’ai commencé par la cuisine en lavant des plats dans le Périgord, puis je suis passé en salle et j’ai rencontré une personne qui m’a ouvert les portes d’Alain Ducasse, à Monaco. Ensuite, je suis passé au Louis XV, 3 étoiles Michelin. J’avais besoin d’apprendre l’anglais donc je suis parti travailler à Londres pour Gordon Ramsay seulement 3 mois, car ça ne me plaisait pas. Le changement de climat et d’ambiance a été trop rude. Je suis donc parti aux Caraïbes où je suis resté un an. Au bout d’un an, je n’avais plus de Visa, donc je me suis remis en question et je me suis dit : « je m’appelle Flavio Angiolillo, je suis né à Rome et je ne parle pas italien, ça va pas ! Donc, je vais aller à Milan et je vais apprendre le monde du bar en même temps ». En février 2007, j’arrive à Milan pour apprendre le monde des cocktails et des spiritueux.

Flavio Angiolillo

Pourquoi avoir voulu passer barman ? 

Le serveur, il sert, mais il ne crée pas, donc il est frustré. Le cuisinier souvent il ne sort pas de sa cuisine (hormis l’étoilé Michelin). Donc il est frustré, car il ne parle pas avec les gens. Le barman, lui, il fait les deux. Il crée et il vend directement.

Actuellement combien as-tu d’établissements ? 

Aujourd’hui, nous sommes à 5 établissements. Chacun avec une typologie différente. Et 6 produits alcooliques. (Pause, on vient nous approvisionner en bières fraîches). Trois de notre propriété et trois en consulting.

Est-ce que tu t’es planté avant de connaître le succès ? 

Avant le Mag Café ouvert en 2011, j’avais ouvert un autre bar à des fins alimentaires. Je dis à des fins alimentaires, car je voulais tout faire dedans. Pour que ça cartonne directe, soit tu as un peu d’argent derrière pour faire ta pub et le temps de te faire ta clientèle, soit il faut que tu fasses quelque chose de très concentré. Si tu fais quelque chose d’unique et que tu souhaites devenir le meilleur de ta ville, tu peux cartonner très vite. Car tu es identifié comme tel. Dans mon premier établissement, je faisais tout et surtout trop. Les gens étaient perdus. Le Mag fait maintenant que le petit dej le matin avec un bon café. Et à partir de 18h les cocktails commencent. Point. Mais c’est aussi mon établissement qui marche le mieux. On arrive à faire 500 cocktails un lundi et jusqu’à 1 200 le samedi. Faut venir pour le croire.

Le Mag Bar à cocktail Milan
Le Mag Bar à cocktail Milan

Après on a le 1930 qui est réservé pour les meilleurs clients du Mag, qui est caché dans un bunker de la Première Guerre mondiale.

Après, on a ouvert le bar le plus petit du monde : le backdoor 43. C’est un business qui gagne sa vie grâce au take away. Tu peux commander via une fenêtre où tu ne vois que les mains. Et tu pars avec ton verre en carton. Les cocktails proposés : Moscow Mule, Gin Tonic, Americano et un twist Tiki. Le samedi, on fait 200 cocktails ! Mais tu peux aussi réserver, et à ce moment tu peux rentrer dedans. Et pendant une heure et demie, tu as le barman uniquement pour toi. C’est une première au  monde. Tu choisis même ta musique. Au maximum tu tiens à 4.

Puis, on a ouvert le Barba, de l’autre côté de Milan qui fait aussi la cuisine. Et enfin, le dernier Iter, car on voulait voyager énormément. Pour que les gens ne s’ennuient pas, on a fait un bar qui change tous les 6 mois avec une nouvelle destination.

1930 Speakeasy bar à cocktail Milan
1930 Speakeasy bar à cocktail Milan

Comment choisis-tu l’inspiration pour le changement tous les 6 mois ? 

J’aime bien aller de l’autre côté du monde. Passer de l’Est à l’Ouest à chaque fois. On est au Panama, la prochaine fois ça serait bien qu’on aille en Thaïlande par exemple.

Donc t’as déjà les idées pour ta carte inspirée du Panama ? 

Ça sera une carte Italo-Panaméenne. C’est toujours une fusion. Sinon ça serait trop difficile de trouver tous les produits des pays en Italie. Iter, en latin ça veut dire itinéraire donc voyager. Et toujours food + cocktail. Pour cet établissement, on a eu une idée de génie : faire le bar beaucoup plus bas. Comme ça, les barmen n’ont pas l’air arrogants, car le bar est à 90 centimètres de hauteur seulement.  Imagine toi, tu es assis hyper confortable et le bar est également un frigo que l’on a troué et où l’on a mis de la glace pilée. Donc le client boit et les verres à Martini n’ont pas de pieds, car les clients posent leur verre directement dans la glace pilée. Et ton verre ne se réchauffe jamais. Aussi on a fait le parti pris de baisser légèrement les quantités pour augmenter la qualité. Notre vermouth de base est plus cher que les autres, mais on garde un prix abordable.

ITER bar à cocktails Milan

Comment travailles-tu le food pairing ? 

On ne fait pas de food pairing. On travaille des fois avec la cuisine, mais tu as le choix de choisir le cocktail que tu veux, ou te faire conseiller en fonction du plat que tu as pris. Mais ce n’est pas un vrai food pairing. Aujourd’hui, il doit y avoir 2 ou 3 vrais bars en Europe qui font du food pairing avec les cocktails.

Pourquoi tu n’as pas fait ce choix ? 

Car je voulais que le bar marche après 23 heures. Iter ouvre à 8heures du matin et ferme à 2heures du matin. Je voulais que ça marche toute la journée. Le chef change le menu tous les jours ou tous les 2 jours. Pour 8 euros, tu as un plat de pâte, café et eau comprise. D’un point de vue qualité / prix, on est le meilleur bar à Milan. On est dans une zone très touristique. On a pris une petite ruelle que personne ne voulait. Et là-bas, le loyer est 5 fois moins que Le Mag qui est à 300 mètres.

La scène cocktail italienne se situe où ? 

Le Mag fait partie des 10 meilleurs bars à cocktails en Italie. Tout le monde vient prendre l’inspiration au Mag. 1930 en fait partie également. Backdoor a été l’idée de l’année dans le monde, et je n’ai pas de problème à le dire. Après, chacun ses goûts et en restant objectif, certaines personnes peuvent trouver que le Mag est surévalué, car on a fait des émissions de télé, etc. qui a mis une lumière sur nos bars. Après bien sûr, il y a d’autres établissements magnifiques à Milan où j’adore aller boire des verres.

BackDoor43 bar à cocktail à emporter Milan
BackDoor43 bar à cocktail à emporter Milan

Là où nous sommes, ça t’inspire quoi comme alcool et comme cocktail  ? 

Ici tu ne peux pas ne pas penser au rhum, ni à la mangue, car t’en manges tous les matins. On a même bu le premier matin un jus de fraise. On mange toutes les sauces qui sont à base de vinaigre donc ça aussi ça pourrait être utilisé dans des cocktails. Le coco aussi, mais je verrais même un cocktail à base de bière.

À titre personnel, quel alcool aimes-tu en ce moment travailler ? 

L’Amaro ! Le whisky aussi. Mais on a fait un produit avec distillerie de Paris. On a fait fermenter le sirop d’érable. Et on a fait un produit avec ça que j’adore utiliser. Ça se trouve sous le nom Distillerie de Paris x Backdoor 43 Mapple Spirit.  On peut le boire pur sans glaçon, et en cocktail. On peut aussi le travailler en Old Fashioned.

Si tu nous parles plus de tes boissons alcooliques ? 

Farmily c’est l’un de nos produits : Farm, car on fait tous avec nos épices, nos plantes. Et ça signifie aussi la famille de Flavio et son associé. On va chercher des épices différentes avec un concept différent. Le premier concept c’était la méditerranée. On a pris du romarin, thym… Et le deuxième était Asia avec la route de Marco Polo. Souvent, les gens ne savent pas comment est fait le gin. C’est de l’alcool avec des infusions et des épices. Il y a plus de 1000 gins et qui ne servent à rien, car on ne sent rien, les différences sont trop restreintes.  Ce n’est pas leur faute, mais la faute des règles imposées pour le faire. Nous c’est un nouveau produit qu’on a appelé botanical spirit et c’est une nouvelle catégorie. On a viré le genièvre et on a mis beaucoup plus de romarin, de thym, etc. Potentiellement, tu prends ton moscow mule, ton daiquiri, ton mojito et tu remplaces par Farmily et t’as un autre cocktail ! Et ça cartonne !

Farmily botanical spirit

Donc la deuxième année on a fait Farmily Asia à base de canne à sucre et d’épices, mais en amère. On n’a pas voulu utiliser des épices comme la cannelle pour le rendre plus sucré et plus facile. On a mis du gingembre, des clous de girofle pour le rendre amer. C’est disponible en France et en Italie.

On a fait un autre produit avec distillerie de Paris autour de la graine de Caroube qui a beaucoup de saveurs. Tellement que ça peut déranger. On la trouve dans la méditerranée.

Comment tu créer tes spiritueux ? Tu pars d’une idée en tête, ou tu laisses inspirer ? 

On développe tout cela avec mon associé qui s’occupe du 1930 et du Barba. Il s’occupe aussi de construire les produits, car lui il est beaucoup plus chimique que moi. Il est beaucoup plus fort que moi sur les cocktails. C’était un de mes employés. Lui a toujours été plus avancé que moi sur les vraies connaissances du produit. Il organise des voyages en Écosse. On a une très très belle équipe. Cette année on a donné l’opportunité à nos employés d’acheter les parts de Farmily.  Il y en 5 qui ont investi.

BackDoor 43 cocktail bar Milan
BackDoor 43 cocktail bar Milan
BackDoor 43 cocktail bar Milan
BackDoor 43 cocktail bar Milan
BackDoor 43 cocktail bar Milan
BackDoor 43 cocktail bar Milan
Barba bar et restaurant Milan
Barba bar et restaurant Milan
Barba bar et restaurant Milan
Barba bar et restaurant Milan
ITER bar à cocktail Milan
ITER bar à cocktail Milan
ITER bar à cocktail Milan
ITER bar à cocktail Milan
ITER bar à cocktail Milan
MAG Café bar à cocktail Milan
MAG Café bar à cocktail Milan
MAG Café bar à cocktail Milan
MAG Café bar à cocktail Milan
MAG Café bar à cocktail Milan
MAG Café bar à cocktail Milan
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Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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