On a fait sa connaissance au bar 1802 où il se régale (autant que nous) à nous faire découvrir des pépites parmi les 600 rhums de la collection du bar. Rencontre avec Christopher Bellail du bar 1802 qui exerce un métier très peu répandu : Rum Sommelier !  

Quel est ton parcours ? 

Sur le papier il n’a aucun sens : Bac S, puis BTS, Licence en marketing et négociation, master en marketing et communication. Tout ça en alternance. Ensuite, j’ai travaillé pour la télé chez TF1, puis dans la musique pour une chaîne de télé qui est un domaine assez fermé et complexe, mais qui fut une expérience passionnante, étant donné que la musique est le sujet qui me passionne le plus.

Je cherchais quelque chose qui ressemble au spectre de la musique. Pour moi l’alcool a beaucoup de ressemblances avec la musique : au début tu peux ne pas comprendre et apprécier, cependant avec le temps, ce sentiment évolue et ton intérêt se développe, ainsi que ton palais. Sans oublier que le moment est souvent meilleur lorsqu’il est partagé. Il y a beaucoup de parallèles. Et je me suis mis dans le rhum, car c’est l’alcool que je préfère. 

Je suis arrivé au 1802 en novembre 2018, le jour de l’inauguration, et depuis je m’épanouis dans ce milieu où je peux vraiment partager dans un super lieu qu’est ce bar, notamment grâce à Adrian et l’équipe qui m’accompagne jour après jour au bar, sans oublier également le propriétaire M. Delloye, et Florian Bitker, le directeur des opérations du groupe ainsi que tous les collaborateurs qui s’investissent dans ce beau projet.

L'équipe du bar 1802 Paris
Photo Thomas Bouron

Comment as-tu découvert le rhum ? 

J’étais jeune, donc c’était en buvant des coups avec des potes. Ce que j’aime avec le rhum c’est que tout le monde connaît, ou pense connaître. On a toujours du rhum autour de soi, mais le spiritueux en tant que tel est complexe et il y a plein de choses à creuser, via différents chemins possibles. C’est passionnant ! 

D’ailleurs, c’est le principe au bar 1802, si un client me dit qu’il apprécie le cognac, le rye, ou un autre alcool, mon but est de trouver une correspondance avec du rhum qui va pouvoir répondre à ses attentes. 

Qu’est-ce qui te fascine dans le rhum ? 

Tout ! L’histoire du rhum, il ne faut pas oublier qu’à la base, c’est un sujet lourd et horrible de l’histoire. Donc c’est rendre hommage à ceux qui coupent la canne, qui s’occupent de la fermentation, qui distillent, ou qui mettent à vieillir. Le travail de tous ces acteurs pour qui j’ai un respect immense.

Comme pour le vin, il y a des notions de terroir très marquées dans le rhum. Souvent, les arômes que tu retrouves dans un rhum sons les conséquences de l’histoire: Les rhums pur jus de canne dans les Antilles françaises, en opposition avec la Jamaïque avec leurs rums plus funky, corsés. Ta bouteille de rhum raconte beaucoup de choses. 

Tu as un métier assez unique, rum sommelier ! 

Mon objectif premier est que chaque visiteur du bar passe un excellent moment. Mon métier consiste donc à pouvoir m’adresser et conseiller à tout le monde: aux Geeks, amateurs, mais aussi aux néophytes afin de leur présenter le spiritueux, qu’ils aient l’opportunité de déguster le rhum qui corresponde à leurs envies. Je leur pose des questions pour que l’on trouve ensemble une harmonie entre leurs goûts et leur humeur du moment.

Autant que possible, j’essaie de leur présenter aussi l’histoire et les caractéristiques du liquide présent dans leur verre, et également des conseils de dégustation.  

Rum Sommelier Bar 1802
Photo Thomas Bouron

Quelqu’un qui ne connaît rien au rhum, tu l’orientes vers quoi ? 

Tout dépend de la personne, car chacun à un palais différent. Certains n’aiment que les rhums plutôt doux, car dans l’imaginaire des gens, le rhum est forcément sucré. Beaucoup de marques matraquent en marketing dans ce sens, ce qui est bien pour le rhum dans sa globalité, car ça le démocratise. Par la suite, quand tu fais découvrir d’autres rhums, il arrive très fréquemment que nos clients soient ravis d’apprécier d’autres saveurs et provenances. 

C’est pourquoi je fais toujours goûter quelques rhums avant de servir, afin d’être sûr que mon client prenne du plaisir. Il est vrai que les notes de dégustation peuvent être complexes et abstraites, et qu’il est plus simple de se familiariser avec le rhum en l’essayant.

Dans mon métier, il faut beaucoup écouter et échanger avec les gens. Il est hors de question que je balance juste un produit en disant « ça, c’est pour ceux qui ne connaissent pas ». Les consommateurs ne savent pas comme leur palais peut être développé pour certains, il est important d’attiser leur curiosité.

Ce n’est pas compliqué en France par rapport à un pays habitué aux vins et à la bière ? 

Quand les gens passent la porte du bar, ils entrent dans un lieu qui est une invitation au voyage: le bar circulaire, les bouteilles de rhum qui sont visibles et classées par zones géographiques, les objets chinés aux 4 coins du monde… 

On a la chance en France, de par la culture du vin, qui nécessite de prendre le temps de sentir le produit, que beaucoup aient de bons réflexes, qu’il faut corriger cependant, le rhum étant plus puissant. Je pense également aux nombreux voyages aux Antilles que les Français effectuent et qui ouvrent une petite porte sur le monde du rhum.

Ton style de rhum de prédilection ? 

Tu as toujours un rhum pour chaque occasion et en fonction de ton humeur. Mais les rums britanniques (Trinidad, Jamaïque, Barbade, Guyana, etc..) restent mes préférés. Pour rester chauvin, les rhums agricoles sont fantastiques et assez méconnus dans leur globalité, et auxquels certains clichés subsistent: la bouteille bon marché des GMS n’est souvent qu’un petit avant-goût du spectre aromatique de ce que le rhum agricole a à offrir. À nous d’éduquer sur ces rhums qui ne représentent que 3% de la production mondiale.

Plus de 500 références de rhum au bar 1802 ? 

On est à plus de 600 références désormais, toutes disponibles au verre. Il y a un côté spéculation en ce moment avec des personnes qui n’ouvrent pas leur bouteille. Nous, on considère que le rhum est fait pour être bu. Surtout quand ce sont des produits d’exception. 

Certes l’aspect marketing et rareté de certains rhums attisent la curiosité, mais c’est seulement en le goûtant que l’on voit le travail fourni. J’ai goûté tous les rhums que nous avons au bar, et j’essaie de connaître l’histoire de chaque bouteille, de chaque distillerie, de chaque terroir. 

Des pays étonnants à nous faire découvrir pour le rhum ? 

Le pacifique ! Notamment Fiji ou le Japon par exemple avec le propriétaire de la distillerie de Nine Leaves qui réalise un rhum exceptionnel et atypique. Il a installé sa distillerie en fonction de l’eau qu’il allait utiliser pour sa réduction. Ensuite, il a créé ses alambics sur mesure. Il a poussé le concept à fond pour la recherche du produit. 

Je pense également au Guyana, qui plus méconnus en France, du moins du grand publique. C’est important de ne pas se laisser influencer juste par la matière première, en l’occurrence la mélasse, que certains « jugent » maladroitement.

Est-ce qu’il manque des repères pour que les consommateurs puissent s’y retrouver facilement ? 

C’est un chemin qui doit se faire naturellement. De plus, il faut également se rendre chez des cavistes spécialisés tels que Christian de Montaguere ou Excellence Rhum, pour avoir les informations nécessaires et qui aident réellement dans le choix d’une bouteille.

Ensuite, en tant que barman on a un rôle à jouer pour guider et expliquer le produit. Mais par exemple en grande surface, tu as soit des rhums généralement très sucrés, soit de l’agricole, et très souvent les produits d’appel.

Le rhum progresse petit à petit et son image est en train d’évoluer. Si on fait bien notre travail et que les distilleries continuent de fournir année après année un spiritueux aussi qualitatif et diversifié, le marché comprendra que le rhum est un produit noble et qu’il se déguste au même titre qu’un cognac ou un whisky. 

Le cocktail est une bonne porte d’entrée pour découvrir le rhum ? 

Totalement, car tu peux jouer avec les arômes : par exemple un daiquiri avec le Savanna Herr, tu comprends tout de suite l’impact et l’intérêt de son utilisation, comparé a un rhum léger. Ainsi, tu peux créer de l’intérêt pour le rhum sans avoir la puissance de l’alcool qui peut déranger au début. Souvent au bar 1802, ça commence comme ça. 

Tu es aussi un grand amateur de cigare ? 

Je fais souvent le parallèle vin rouge et viande rouge. Avec le cigare, j’ai eu de grosses surprises : un rhum que tu connais très bien change en fumant un cigare et c’est incroyable. Et dans le même esprit, il y a des notions de terroirs pour le cigare. C’est le principe de prendre une pause pour soi, ou avec des gens que tu apprécies, et de passer un bon moment tout en appréciant le mariage de ces 2 éléments.

Je pense notamment à un pairing fantastique réalisé avec un client du bar devenu un ami : un Opus X de fuente fuente avec un Silver seal Uitvulgt de 23 ans. Incroyable.

Vous faites vos propres embouteillages de rhum également !

Ça vient d’une démarche où l’on aime proposer des produits atypiques, mais accessibles par le prix et les arômes, que l’on sélectionne.

L’objectif étant de démocratiser le rhum et de prouver sa diversité, nous aimons mettre a disposition de nos visiteurs, des rhums exclusifs à notre bar.

Le premier a été un Clairin Sajous (Haiti) vieillit 21 mois en fût de Caroni (Trinidad), le second était un Clarendon (Jamaïque) de 11 ans réalisé avec Compagnie des Indes, et le troisième était un brut de colonne de Bielle (Marie-Galante) embouteillé par Old Brothers qui titre à 76,8 degrés (Brut de colonne, monovarietal, pur jus 100% canne grise). Nous avons sorti 250 bouteilles de cette cuvée et en deux mois, tout était vendu.

La prochaine cuvée qui va sortir en juin sera toujours un rhum blanc, encore avec Old Brothers. Mais cette fois, un rhum de mélasse du Panama, légèrement réduit (70,1% alc ), sorti de colonne inox avec tête en cuivre, à 81%. Quelque chose de fruité et gourmand, mais qui n’est pas de l’agricole. Le but étant de montrer le spectre du rhum dans toute sa complexité.On travaille main dans la main avec les embouteilleurs indépendants et les distilleries.

Ce n’est que le début ! D’autres projets arrivent rapidement.

Es-tu un geek à titre particulier aussi ? 

Oui, j’ai un peu déconné avec mes finances d’ailleurs. Mais j’ai entre autres quelques Caroni chez moi que je serais content de pouvoir ouvrir dans quelques années. Je dois avoir une trentaine de bouteilles. Au début, je dépensais beaucoup, mais maintenant seulement pour mes coups de coeur. 

Tes dernières bouteilles coup de coeur ? 

Profil 105 bio de Neisson, j’adore ça ! Et le Royal Navy de chez Velier, le premier qui rassemble mes trois terroirs favoris, avec en prime du Caroni dans ce mélange, qui rappelle le but premier de la création de ce rhum que j’adore.

Author

Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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Ben
Ben
2 années il y a

Super ITW, très intéressante : ca donne envie de revenir vite au 1802 !!!

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