On se l’était promis pour 2019 : mettre plus en avant les femmes et les hommes qui travaillent dans le monde merveilleux des vins et spiritueux . Plus mettre en avant les reliefs de leur parcours. Insister sur le pourquoi et comment ils ont atterri dans ce qu’ils font actuellement. L’article qui va suivre, c’est à Pauline que nous lui avons demandé de l’écrire. Pauline, nous l’avons rencontré il y a 4 ans. Elle était attachée de presse (RP dans le jargon) pour de grandes marques écossaises de whisky.
Et si on a souvent poussé des coups de gueule à l’époque, c’est car on avait Pauline comme maître Étalon du métier. Une femme passionnée, qui maîtrisait son sujet. Comme souvent les meilleurs nous quittent trop tôt, mais elle c’était pour devenir caviste et monter sa cave à vins à Madrid. On lui a demandé de nous raconter son récit, ses victoires et ses doutes. On lui laisse la parole.
Pauline – d’attachée de presse à caviste
Je dois avouer que quand mon ami Georges m’a demandé ça, j’ai été prise de panique, j’ai hyperventillé : comment ça, parler de moi? Sa demande était simple : raconte-moi ton histoire, je veux de l’authentique, pas en mode interview. Ah, oui. Cependant, ce n’est pas exercice facile.
Pour situer un petit peu, j’ai toujours parlé des autres, je les ai valorisés, j’ai véhiculé les bons messages et tout fait pour les mettre en lumière. Tu l’as compris, Avant ça j’étais attachée de presse et c’est comme ça que j’ai connu Georges.
Et puis, après 6 ans, quelque chose te titille, tu as de nouvelles envies, une légère appréhension d’un milieu qui change, qui évolue à sa manière et là tu te demandes : que vais-je faire dans tout ça?
Finalement, je ne voulais plus en être spectatrice ou actrice.
C’est donc très symboliquement que je suis partie de ce secteur que j’ai tant aimé pour me lancer dans ce que j’aimais vraiment. Le vin. Je n’ai aucune formation dédiée au vin; ni sommelière ni oenologue, ni .. ni rien en fait, au-delà de mon ancien métier qui m’a projeté dedans et de beaucoup de curiosité. Je me souviens encore de la première fois que l’on m’a jetée dans le bain, j’avais peur, j’étais paniquée, mais je suis ressortie émerveillée avec la ferme ambition d’y rester. Apprendre sur le tas, apprendre en visitant, en lisant, en voyageant, en rencontrant, en pratiquant. Je crois bien que je préfère ça. Apprendre en vivant les choses, plutôt que du par coeur de crayon.
Ce n’est pas non plus tout à fait anodin ce choix, le vin j’ai grandi dedans. Mes parents eux; m’ont donné cette chance en devenant propriétaires de vignes en bourgogne quand j’avais 15 ans. Tard ou tôt, en tout cas c’était parti. Mais par pudeur sûrement, je ne disais pas que ça m’intéressait. À tel point que je n’ai dit apprécier le vin rouge qu’à mes 21 ans. Et pourtant, croyez-moi, j’en ai vu passer de belles bouteilles devant mes yeux.
Alors voilà, pour la base, elle est établie. Pour le reste, c’est une suite logique : un Erasmus à Madrid, que beaucoup appelleront le semestre de la teuf, pour moi c’était celui de la révélation. Quelle ville, quelle ambiance, quelle âme ! J’allais avoir 30 ans, et pour être honnête, les attaches que j’ai en France sont suffisamment solides pour pouvoir essayer de faire de ce rêve, de cette folie sûrement, quelque chose de réel.
Résultat des courses, 8 ans après j’y suis revenue, sachant ce que je voulais faire de ma vie, ou en tout cas l’espoir d’y faire ce que j’aime. Le vin + Madrid, c’était un combo magique, non? Dans le fond, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait, vraiment. Je veux dire, on a beau faire des business plans, avoir l’ambition d’un catcheur avant match, on est jamais prêt, on n’a jamais tout anticipé, et pourtant : j’ai ouvert ma cave à vins français à Madrid.
Je n’ai pas tout, je suis loin d’être la plus experte, je continue à apprendre quotidiennement, et surtout je vends du bon avec conviction. Aujourd’hui, on peut trouver une centaine de références au compteur.
J’essaye de grandir avec ma cave, sans prétention et avec un peu de tout. La finalité ? Quelle aventure, quelle joie, ou plutôt quelles joies. Non ce n’est pas facile, non ce n’est pas simplement d’avoir l’idée, si ce n’est d’oser l’incarner.
Commencer ou REcommencer de rien. Accepter de n’être personne. Se (re)construire. J’ai décidé de partir seule, dans un autre pays, accompagnée de beaucoup de culot.
Aujourd’hui je suis plutôt sans strass et paillette, j’ai des hauts et des bas, des moments de doutes, des remises en questions pires que tes lendemains de cuites, avec cette question récurrente : mais pourquoi j’ai fait ça? Pourquoi m’infliger de vivre loin des miens, de mes racines, de mon quotidien qui n’avait rien d’horrible. Lorsque j’écris ces lignes je passe à côté de moments spéciaux et importants des personnes avec qui j’ai tout partagé ces 10 dernières années, et quand je vois passer de belles photos, j’en ai presque les larmes aux yeux.
Oui je manque beaucoup de choses, mais pourquoi je le fais? Jean Cocteau le disait beaucoup mieux que moi, « Dans la vie on ne regrette que ce qu’on n’a pas fait”.
APOPINA
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