Après 33 ans de bons et loyaux services au sein de Bacardi Martini, Ivano Tonutti, maitre botaniste mondialement connu et reconnu a tiré sa révérence ! Nous avons profité de sa présence lors de la présentation d’une de ses dernières créations pour Bombay Sapphire pour nous dévoiler sa vision sur le monde du gin et plus spécifiquement Bombay Saphhire face aux challenges qui attendent la marque !
Ivano, quel est ton point de vue sur la tendance du gin ?
J’aime bien cette question. Je pense qu’il y en a trop, et donc ça limite la fantaisie. Tout le monde veut créer son propre Gin. La dernière fois que j’ai entendu un chiffre, nous parlions de plus de 2 000 marques de Gins dans le monde. Mais ce ne sont pas toutes des innovations… Si c’est mettre un ingrédient en plus pour faire quelque chose, je suis contre.
Avec Bombay Sapphire, nous n’avons jamais suivi la mode justement, pour éviter de se trouver mélanger avec ce type de produits. Quand nous sortons un nouveau produit, c’est qu’il y a une raison derrière. Quand la Marque nous a demandé de faire un Bombay rose, nous avons proposé de réaliser un produit qui sortait du lot, c’est comme cela qu’est né le Bombay Bramble : un véritable cocktail dans une bouteille
Un exemple en ce qui concerne ce produit : c’était la trend des « pink » gins, nous avons donc cherché à ouvrir un chapitre différent avec la tentative de recréer un cocktail dans la bouteille : Bombay Bramble.
Nous sommes partis d’un test, puis nous avons fait en sorte de supprimer le sucre et arriver à un résultat satisfaisant. En tout cas, c’était nouveau et surtout, il n’y en avait pas sur le marché. En soit nous cherchions à produire quelque chose de vraiment différent et non pas suivre simplement les modes.
Tu as récemment dit “innover, quand on est chez Bombay Sapphire, c’est difficile parce qu’il faut toujours garder l’ADN de la marque”. Comment fais-tu pour innover ? C’est quoi les futures pistes ?
Nous avons la chance d’avoir un outil technologique, la distillation par infusion à la vapeur d’alcool, très élaboré qui nous permet de contrôler, et donc modifier beaucoup de paramètres. Je ne peux pas tout te dire, mais Star of Bombay, c’était une innovation. Avec le master distiller, nous voulions proposer à ceux qui aiment le Gin un produit puisse être déguster seul « on the rocks ».
Dans Star of Bombay, une partie de la formule est complètement secrète. Ce n’est pas par chance que nous sommes arrivés à ce résultat, mais grâce aussi à des dizaines de tests avec différentes herbes. Nous avons joué avec des plantes aromatiques innovantes, mais il y a aussi le côté technologique qui entre en jeu : nous avons ralenti la distillation au début, parce qu’il fallait aller chercher les ingrédients, les composants de la bergamote qui sont beaucoup plus volatils, et éliminer d’autres composés. Mais tout ceci en conservant l’ADN de Bombay Sapphire.
C’est notre philosophie, de chercher, de créer des peintures pour les peintres. Les peintres, ce sont les bartenders. Ce sont eux qui créent le tableau final. Si tu donnes à un peintre un vernis rouge, il sera obligé de faire du rouge,
Nous, chez Bombay Sapphire, nous cherchons à créer un produit qui soit un multiplicateur de couleur comme celles de l’arc en ciel. Les produits que l’on sort doivent être parfaits si le bartender souhaite jouer avec pour créer un Gin tonic, ou encore un martini.
C’est le moment de changer et peut-être d’aider plus les bartenders à être eux-mêmes, plus innovants. On observe de nouvelles façons de
déguster des cocktails aujourd’hui, avec moins d’alcool aussi. etc.
Créer un BOMBAY SAPPHIRE sans alcool, c’est à l’ordre du jour ? Martini l’a fait…
Pour Martini nous l’avons fait car c’était possible ! Il y a du vin dedans, c’est donc beaucoup plus facile.
Nous avons enlevé l’alcool, mais il reste les acides et les tanins du vin. Donc nous avons utilisé des extraits qui sont semblables à ceux que l’on a fait pour Martini. Si tu fermes les yeux et tu bois Martini sans alcool Floreale et Vibrante, tu t’aperçois qu’ils sont sans alcool, mais tu sens que c’est un Martini, et ensuite la sensation en bouche est présente.
Aujourd’hui, le travail de lancer un Bombay Sans Alcool, avec les moyens technologiques actuels, semble compliqué. L’objectif étant de lancer un nouveau produit qui corresponde à l’ADN de la marque même si ce dernier est sans alcool, mais nous y travaillons.
Les modes de consommation changent… le climat aussi. Comment Bombay Sapphire se penche sur le problème ?
Nous suivons de près les changements climatiques… Nous avons peur de cela effectivement, car nous ressentons déjà les impacts.
Sur l’approvisionnement ?
Nous avons eu de grosses frayeurs sur l’approvisionnement en genièvre. Cela faisait des siècles qu’on ne voyait pas cela…
Chez Bombay Sapphire nous avons un plan à 360° pour l’approvisionnement et durabilité. Ce n’est pas seulement l’environnement, car on se doit d’aider aussi les personnes qui nous fournissent. Pour nous, l’humain est la clé. Partout où nous allons, nous cherchons à construire un projet pour les générations actuelles et futures. Car c’est important de prévoir l’avenir. Les gens qui ramassent le genièvre ont 80 ans de moyenne d’âge. Nous sommes en train d’étudier comment faire, comment créer des coopératives peut être, nous étudions le sujet avec un plan bien détaillé pour chacun.
Certaines marques préfèrent racheter leur sous traitants pour simplifier le problème…
Ce n’est pas l’objectif de Bombay Sapphire, parce que ce n’est pas vrai que tu simplifies… Tu vas faire un travail qui n’est pas le tiens. On préfère jouer la carte de dire : «on le supporte techniquement et économiquement mais c’est eux qui vont faire l’effort ». En Italie, il y a une coopérative à côté de Turin qui représente environ 65% de Martini. Âge moyen entre 55 et 60 ans. Nous avons acheté un logiciel dédié, comme ça tous les champs sont mappés sur le cadastre et toutes les activités sont tracées. Tu cliques sur le champ, il te dit ce qu’il y a dedans, ce qui a été semé, toutes les opérations agronomiques dans les champs, quand il a été récolté. etc
Avec les innovations technologiques et notamment les machines, le travail des producteurs est facilité notamment avec la diminution du travail physique. Cependant cela ne remplace en aucun cas leurs connaissances du produit, de la terre et de la manière de la travailler. Bombay les soutient dans ce type de développement.
Comment penses tu que ton métier va évoluer dans les décennies à venir ?
J’ai travaillé avec mon successeur, Alessandro Garneri, pendant 7 ans, avec le soutien du management
pour s’assurer que la transmission soit optimale. Avec Alessandro , nous avons cherché à combler les trous, pour comprendre par exemple pour quelle raison, une herbe qui vient du Népal, est dans toutes les recettes. Nous avons étudié, testé, pour finalement comprendre. Nous avons cherché à construire une grosse base de données qui, dans le futur, lui permettra de faire des choses. Le but, c’est que lui puisse faire aussi des choses différentes.
Moi, je suis un Italien, on dit pour mon cas que je suis un “tuttologo” et certains de mes collègues.
C’est-à-dire quelqu’un qui a fait un petit peu de tout. J’ai fait de la recherche analytique, de la production, de la qualité, de la recherche produits et innovation etc. J’ai dû toucher à tout. Aujourd’hui, nous avons besoin de gens qui font moins, mais plus en profondeur, plus spécialisés. Il y a un technicien alimentaire qui est responsable du développement technologique et donc il ne connaît pas les recettes, mais il sait comment extraire certains composés aromatiques depuis une plante. De l’autre côté, Alessandro va aller beaucoup plus en profondeur avec les plantes aromatiques, leur approvisionnement et la durabilité
Donc forcément, il fera son métier différemment de moi. Mais il y a des choses qu’il faut garder en tête. Quand tu fais une nouvelle formule pour Martini, il faut que ce soit du Martini. Il faut que les consommateurs fidèles trouvent ce morceau-là”. Pour Bombay Sapphire, c’est pareil. Ce n’est pas nous la légende, ce sont nos Marques. J’ai eu la grande chance d’avoir hérité du rôle de Maitre Herboriste.
Le travail de bartender a également beaucoup changé en 20 ans. Ce sont eux les artistes et nous avons besoin de comprendre leurs besoins. Si on ne répond pas aux besoins, ça ne sert à rien.
Le métier est devenu de plus en plus professionnel, nous devons aussi augmenter notre professionnalisme. Comment ? En étudiant les technologies, en montrant des choses que nous n’avons jamais montrées auparavant aussi. Cela passe également par la collaboration avec le Global Botanical Center à Genève: nous avons beaucoup investi en technologies d’extraction et analyse ainsi que dans tout le savoir-faire humain qui va avec.
Même le consommateur lambda devient de plus en plus critique et professionnel dans sa façon de lire une étiquette
Sur l’ensemble de ta carrière, au sein de Bacardi Martini, quels sont les produits dont tu es le plus fier ?
Il y a un côté Martini, un côté Bombay Sapphire. Pour Martini, c’est Martini Gold. Techniquement, c’était le produit le plus complet à faire. Il s’appelait Martini Gold by Dolce Gabbana. Parce que c’était en collaboration avec Dolce Gabbana qui a désigné la bouteille
La Marque nous a demandé : « de l’or qui sort de la bouteille ». Et il fallait faire quelque chose d’extraordinaire. Donc, c’est un mixte de nouvelles technologies d’extraction, nouvelles technologies de filtration avec un filtre très particulier à froid. La technique s’appelle polissage. Le liquide devient brillant avec une filtration étroite. Au point, elle était tellement étroite qu’on devait charger certains extraits 25% en plus pour qu’il reste dans les filtres.
Technologiquement, nous avons vraiment conçu quelque chose qui n’existait pas, quelque chose de particulier. Et sur Bombay Sapphire, ma fierté est vraiment Star of Bombay pour tout ce que je t’ai déjà raconté.