Souvent sous-estimé, l’advocacy pourrait bien être la clé pour redonner du sens à un monde du cocktail et des spiritueux en quête de repères. Mais encore faut-il en comprendre ses mécanismes, lui offrir les bons leviers d’action, redéfinir son périmètre… et surtout, revenir à l’essentiel. Spoiler alert : se contenter d’être pote avec le bartender du moment, ce n’est pas de l’advocacy.
L'advocacy : un enjeu stratégique, souvent négligé par les marques
Dans l’univers ultra-concurrentiel des spiritueux et du bar, l’advocacy ne se résume pas à un simple outil marketing : c’est un levier stratégique puissant. Basé sur l’influence et la recommandation, il vise à transformer professionnels et consommateurs en véritables ambassadeurs de la marque.
Mais concrètement, comment l’advocacy fonctionne-t-il dans le monde des spiritueux ? Quels leviers les marques activent-elles pour se démarquer ? Et surtout, comment évolue-t-il aujourd’hui ?
L’advocacy, c’est quoi ?
Souvent confondu à tord avec la force commerciale, l’advocacy, ou (marketing d’influence organique en français mais ça sonne moins bien...), repose sur la capacité d’une marque à fédérer une communauté d’experts, de passionnés et de consommateurs autour de ses valeurs et de ses produits. Contrairement à une pub, où la marque pousse son message de manière descendante, l’advocacy s’appuie sur des acteurs clés – bartenders, cavistes, media, sommeliers, mais aussi clients fidèles – pour diffuser un discours authentique et crédible.
Dans le monde des spiritueux et du bar, l’advocacy se traduit par plusieurs actions concrètes :
• La formation des bartenders : un bartender formé aux subtilités d’un spiritueux devient plus naturellement un ambassadeur de la marque auprès de ses clients.
• L’expérience client immersive : dégustations, événements et masterclasses permettent de créer une relation émotionnelle forte avec la marque.
• Le contenu digital et social : Les marques misent sur des contenus engageants (cocktails signature, storytelling, portraits d’experts) pour nourrir une communauté active et passionnée.
Les acteurs clés de l’Advocacy dans les spiritueux
L’advocacy repose sur des relais d’influence qui jouent un rôle majeur dans la perception et la notoriété d’une marque.
- Les Bartenders
Les bartenders sont en première ligne pour influencer le choix des consommateurs. Un cocktail signature élaboré avec un certain spiritueux peut rapidement faire grimper la popularité d’une marque. C’est pourquoi de nombreux producteurs investissent dans des programmes de formation, des concours de bartenders et des collaborations exclusives. On peut citer le collectif A par le gin Anaë, ou encore Friend of Jack Daniels.
- Les Brand Ambassadors : l’Advocacy Structurée
Certaines marques vont encore plus loin en recrutant des brand ambassadeurs dédiés. Leur mission : former, inspirer et évangéliser les professionnels du secteur sur l’histoire, la production et les spécificités de leur produit (enfin normalement). Ces experts sillonnent les bars et les salons / événements pour partager leur passion et créer un véritable lien avec la communauté des bartenders et mixologistes.
- Les medias passionnés : la puissance du bouche-à-oreille
Les medias eux-mêmes sont des acteurs majeurs de l’advocacy. Par exemple, quand ForGeorges découvre une distillerie, un produit et partage son expérience sur Instagram, ou via son site à sa communauté, ce sont des vecteurs d’influence essentiels.
Pourquoi l’advocacy patine dans la semoule ?
Revenons si vous le voulez bien quelques années en arrière : le rôle d'un brand ambassadeur était relativement complexe mais clair, même si des variantes pouvaient exister d'une marque à l'autre. Le but était de faire comprendre son produit, et donc de créer et maintenir un lien unique avec les bartenders et les medias. Des personnalités souvent, mais surtout des passionnés qui connaissaient parfaitement le milieu du bar, la marque et le secteur qu'ils représentaient ! Des gens qu'il était possible de contacter facilement et qui se donnaient corps et âme dans ce qui les animaient. Des personnes qui avaient l'autonomie et la confiance de leur marque pour faire avancer les choses.
Pour cela, ils avaient des moyens et une liberté d'action : organisation de concours, de guest shifts, sponsorisation d'events, création d'activations etc. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que la suite logique d'une carrière de bartenders amenaient régulièrement vers un poste de brand ambassadeur. Le poste en lui même faisait rêver ! Impossible de ne pas croiser un "ancien" bartender qui n'a pas une anecdote liée à un programme d'advocacy avec des liens forts et durables tissés entre la marque et les bartenders.
Alors, qu'est-ce que l'on fait ?
Mais tout cela, ça se fait de plus en plus rare. Donc il serait temps de visualiser le problème et de redonner aux brand ambassadeurs leur véritable rôle... d’ambassadeurs ! Donnons-leur les moyens de bien faire leur travail. Supprimons les couches de reportings à répétition et autres fichiers PPT ou Excel à remplir à longueur de journée. C’est une perte de temps pour tout le monde… Leur place est sur le terrain, pas dans un bureau ! Surtout que l'on fait dire ce que l'on veut à un PPT, ou un Excel. Alors que le terrain ne ment pas lui !
Ensuite, arrêtons de chercher des moutons à cinq pattes : un excellent bartender, créateur de contenus de génie, commercial hors pair, fin négociateur, basé à Pétaouchnok et en déplacement 360 jours par an. Ah, ce n'est pas tout, il doit aussi être un "beverage innovator", capable d’anticiper les tendances et de développer les saveurs de demain. Vous voulez aussi qu’il fasse la comptabilité du groupe ? Ce qui leur ait demandé représente au minimum quatre ou cinq métiers différents !
Par pitié, remettons la connaissance produit au cœur du rôle d’un brand ambassador. Apprendre que certaines marques embauchent des comédiens pour incarner ce rôle nous révolte (si si, c'est véridique) ! L’image renvoyée est catastrophique, révélant un vrai manque de curiosité et une forme d’arrogance envers le milieu. Avec, bien sûr, le retour de bâton qui ne manquera pas de suivre dans les années à venir…
Remettre le temps long au centre des objectifs est également primordial. On ne crée pas une relation en quelques semaines ou quelques mois. Laissons aux brand ambassadors le temps de s’approprier la marque et les produits. C’est là que la magie opère (à condition que le recrutement soit bien fait et que tous les points précédents soient respectés).
Et enfin, merci à tous les brand ambassadors croisés ces dernières années – qu’ils soient encore en poste ou qu’ils aient bifurqué – parfois dans des conditions difficiles. Votre travail est essentiel !