Des années que tout le monde du bar l’attendait : enfin un programme qui parle de cocktail à la télévision, plus précisément sur Netflix. Clairement, on partait avec de gros doutes après avoir visionné le trailer et les avis sur les réseaux sociaux quelques heures après sa sortie. C’est finalement une très agréable surprise qui s’est présentée sur notre écran. Points forts et points faibles, on vous explique tout cela.

Drink Masters Saison 1 : un show à l’américaine.

Avant de nous lancer dans le visionnage, nous ne savions pas très bien à quelle sauce nous allions être mangés : un remix façon top chef top-chef avec des shakers ? Un programme de divertissement façon Lego Masters ? Ou bien encore un show à l’américaine, comme Netflix sait bien nous les servir ? Un peu un mélange des trois ! Car on ne va pas se mentir, il faut faire parfois abstraction du côté un peu trop « à l’américaine » qui peut perturber le public français. Ajoutez à cela un choix de candidats qui, pour la plupart, ont certainement été retenus plus pour leurs personnalités que leurs compétences. On peut se surprendre à entendre un candidat de Las Vegas se vanter d’avoir fait 300 concours (WTF ?) et donc d’être le meilleur bartender au monde… On peut y déceler le rôle de la production qui a dû leur demander d’en faire des caisses devant la caméra.

Une fois abstraction faite de cela, on s’est pris une agréable claque. Déjà un décor incroyable ! C’est beau et ça donne envie. Un back back incroyable de plusieurs mètres de hauteur, un labo juste à côté. Niveau lieu, rien à redire. Ensuite, une réalisation canon, bien léchée. Mais surtout une scénarisation qui montre le travail d’un bartender en 2022. On avait peur de n’avoir que des plans de verses et de shakers mais pas du tout.

Un programme à regarder… mais aussi à conseiller à vos clients

C’est bien le point fort de cette série : montrer l’envers du décor. C’est-à-dire ce qu’il se passe dans les labos, ce que le client ne voit jamais. Montrer que le bar et la cuisine partagent énormément de points communs. Ce programme, c’est une porte dorée pour envoyer gentiment bouler le prochain client qui dira « j’en ai marre de payer 14 balles pour un cocktail qui met 2 minutes à être fait« . On comprend la complexité, l’échec, la recherche de sortir des sentiers battus, de trouver une expérience encore jamais vue.

Un autre point fort dans cette émission est la présence dans le jury de Frankie Solarik et Julie Reiner. Deux figures emblématiques du bar qui permettent de donner un fil rouge via leurs conseils et remarques. Des vieux de la vielle qui en se font pas avoir par juste un beau cocktail… D’ailleurs, tout bartender peut en tirer d’excellentes leçons sur ce qu’un jury recherche lors d’une compétition.

Le cas des « home bartender »

Un autre point fort de cette série est d’avoir intégré une « home bartender » parmi les candidats. Autrement dit : une instagrameuse du cocktail nommée Beautiful Booze. Ses créations sur Instagram sont magnifiques et elle est suivie par plus de 100 000 personnes. Mais qu’en est-il lorsqu’il faut faire un concours avec de vrais bartenders autour d’elle ? Une élimination dès le premier tour… Sa margarita revisitée avec de l’aperol et de la fraise a certainement reçu la critique la plus dure de la part de Julie Reiner « j’ai déjà testé plus de 8 000 fois ta recette »… Faire de beaux cocktails ne veut pas dire faire de bons et originaux cocktails.

Le cas des cocktails dangereux…

On s’est pris de passion pour une séquence du premier épisode où un candidat laisse tomber un morceau de neige carbonique dans le verre du jury tout en disant « maitriser son sujet ». Cela pourrait s’apparenter à une tentative de meurtre… Car oui avaler un morceau de neige carbonique peut vous faire caner direct dans d’atroces souffrances. Cela met la lumière sur les apprentis alchimistes du bar. Un problème que l’on commence à retrouver également en France avec des bartenders qui jouent les apprentis distillateurs sans formation sur le sujet… Il est bon de rappeler que nos ancêtres perdaient la vue à cause de gnôle mal distillée…

Drink masters : des points à améliorer…

Malgré ces points positifs, il reste des choses qui peuvent faire tilter les professionnels du secteur… À commencer par le premier : le choix des marques à disposition. Construire un cocktail, c’est faire le choix de partir sur des produits (et donc des marques), plutôt que d’autres. Là en ne laissant aux bartenders qu’un seul choix, ça peut laisser l’impression que tous les produits se valent…

Ensuite, sur la tronche des cocktails. Oui certaines créations pourraient être considérées comme totalement has been pour un public européen. Et pourtant, ça plait et cartonne aux États-Unis. Donc peut-être une version plus mondialisée du programme pourrait être intéressante… 

Quand aux bartenders retenus pour participer… que dire à part que la plupart renvoient l’images de personnes arrogantes et pas du tout portée sur le service. Le client dans cette émission ? On s’en fout. On voit surtout des personnages égoïstes clamés à longueur d’émissions que leur cocktails est le meilleur car ils sont les meilleurs. Autrement l’exacte opposé de ce que l’on attend d’un bon bartender…

Enfin, pour le moment aucune notion d’éco responsabilité… (on en est à l’épisode 3, donc ça vient plus tard ? ). Alors que c’est surement le plus grand enjeu du bar pour les 5 ans à venir. On aimerait qu’un programme comme celui-ci s’intéresse au problème dans les 2 premiers épisodes plutôt que de leur faire faire des cocktails sans instruments de bars… C’est certes moins drôle, mais bien plus intéressant.

Pour quand une émission en France ?

Ou alors, au lieu d’une émission mondiale, une version européenne ou française de ce programme pourrait avoir plus de sens ? Car oui, on peut imaginer un jour une variante française de ce programme, compatible avec la Loi Évin. Ce sont des professionnels qui concourent et jugent. La pub TV est clairement interdit pour les alcooliers, donc peut être faudrait-il imaginer des bouteilles neutres, ne pas citer de marque, uniquement des professionnels pour le jury et masquer les scènes de dégustations. Donc dans les faits, c’est tout à fait possible.

Mais la vraie question est : le public français est-il assez mûr pour regarder cela ? Est-ce qu’un programme comme celui-ci pourrait s’autofinancer sans la présence d’alcoolier dans l’émission ? Tout est à réfléchir, mais en tout cas l’idée mériterait d’être creusée, car c’est cautionnement le meilleur moyen de provoquer des vocations et former un public français pas toujours réceptif au monde du cocktail…

Author

Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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