Georges est chanceux : il a pu s'accouder à un zinc pour la première fois depuis bien trop longtemps. Il partage avec vous cette expérience.
Un bar : des bruits, des rires, des émotions
Pour celui qui ne connaît pas le monde du bar, c'est un lieu de débauche où les esprits s'échauffent à mesure que les glottes voient passer les centilitres d'alcool. C'est rabaisser bien bas un lieu où une multitude de choses se passent entre leurs quatre murs. Pour être franc, je ne savais pas si la sensation d'aller dans un bar me manquait. C'est vrai, j'ai un bar conséquent à domicile. La chance d'avoir des journées bien occupées. Et en toute humilité je peux réaliser des cocktails à la maison pas trop mauvais en cas d'envie soudaine.
Mais il aura fallu que j'aille dans un bar pour un projet de shooting vidéo pour qu'un déclic se produise et que beaucoup de choses se réveillent instantanément. Pour commencer, un bar c'est une atmosphère. On quitte sa ville, on quitte son chez-soi, on quitte ses problèmes. On plonge dans un univers qui nous transporte, qui nous fait vibrer, qui nous touche.
Ensuite, et la chose à ne jamais oublier : ce qui fait le succès d'un bar, ce sont des humains qui oeuvrent à la construction de ce bar. Des gens merveilleux qui passaient leurs journées à échanger avec leur client. En fermant leur bar, ce n'est pas juste leur outil de travail qu'on leur enlève ! C’est de passer d'une vie sociale riche et active, à un néant.
Des humains derrière les bars
Il suffit de lancer la discussion avec eux pour voir qu'ils en ont gros sur la patate en ce moment. Quand un propriétaire de bar me dit que son quotidien en ce moment est fait de lettres d'huissier, ça fait mal au coeur, même si j'esquisse un sourire maladroit qui était plutôt là pour lui dire ça va aller, ne baisse pas les bras.
Quant aux bartenders, qui ont la chance de ne pas être embêtés par les soucis administratifs, eux me disent que leur quotidien est ponctué par l'attente. Ne pas savoir, espérer, puis déchanter. Je ne sais pas si la profession se rend compte que les dommages psychologiques sont énormes. On entend des foutaises du genre "ils ont la belle vie avec leur chômage partiel et Netflix à regarder toute la journée". C'est mal connaître leur travail. Quelqu'un qui bosse de 15h à 3 heures du mat, 6 jours sur 7, est tout sauf un glandeur. Ils ont bien refait leur carte cocktail, effectué des travaux, mis en place une offre à emporter en fonction des besoins de la clientèle locale. Mais le reste du temps, il font quoi ? Il cogite. Le bartender est pudique, il ne vous dira jamais que ça ne va pas. Il est plus habitué à recevoir les complaintes de ses clients que de faire sortir ses propres sentiments. Mais le mal psychologique est là.
Donc quand à la fin de la journée de tournage, un des bartenders m'a demandé si je voulais boire une bière, j'ai eu le sentiment de retourner dans une ancienne vie. M'installer sur un tabouret. Me souvenir du bruit de celui-ci qui grince. De la sensation du comptoir froid sous les poignets. Les fesses qui sont talées à cause de la mousse un peu plus usée. L'espace d'une dizaine de minutes, j'ai quitté la crise sanitaire, mes emmerdes, Paris. J'ai trinqué en espérant une réouverture des bars et que personne ne reste sur le carreau. Et en m'éloignant du bar, je me suis dit que la route était encore longue avant de voir la fin de tunnel. Que les aides financières ne faisaient pas tout. Et que les bars manquent cruellement à nos vies d'animaux sociaux que nous sommes.
Bravo pour ce joli article, je ne peux qu’être d’accord avec toi mais je n’aurais jamais eu les mots justes pour l’écrire. Merci a toi de l’avoir fait et de parler d’eux, de mettre un peu d’humanité dans ce contexte particulier. Bravo !!