Les histoires sont remplies de savants fous qui veulent changer le monde. Le monde du rye en a un, en la personne du Docteur Don Livermore, Master Blender de LOT 40. Oui docteur, car il fait partie de la communauté très restreinte des master blenders à avoir un doctorat. Georges a profité de sa venue à Paris lors du whisky live pour s’entretenir avec lui, et de chercher le créatif qui se cache derrière le scientifique.
Quel est votre parcours ?
Quand j’étais à l’école, mon intention était de travailler dans l’industrie pharmaceutique. J’étais micro biologiste et j’étudiais les micro-organismes. Comme tout le monde, j’ai du chercher un job, et j’ai été recommandé il y a 22 ans pour commencer en tant que micro biologiste. Ensuite, il y a eu mon master brasseur / distilleur (Heriot – Watt à Edinbourg), où j’ai du bouger en Écosse, car c’était le seul endroit où il était possible d’avoir le niveau master. Et enfin, mon doctorat en 2012. Nous sommes vraiment très peu de master blenders dans le monde à avoir un doctorat.
Comment se passe la recherche d’inspiration quand vous créez un whisky ? Est-ce plus l’inspiration ou la science qui prend le dessus ?
Les deux. (long silence et regard au loin). Pour moi, je regarde toujours le point de vue scientifique. Mais je regarde aussi toujours le point de vue gustatif. Notre gouvernement canadien m’a demandé de travailler sur une roue des saveurs, mais spécifique au whisky canadien, comme il en existe déjà pour le whisky écossais. Je suis donc parti du point de vue d’un master blender, mais qui permette au public de s’y retrouver. Quand je me suis posé avec ma feuille et mon stylo, il m’a fallu une journée pour créer la roue des saveurs du whisky canadien. Au marketing, il leur a fallu 9 mois pour leur faire ressembler à ça ! (rire).
Mais pour moi, les saveurs viennent de 3 endroits : le bois, le grain, ou les levures. C’est pour cela que c’est situé au centre de la roue. Dans le whisky canadien, on sépare bien les 3. Et ensuite, par exemple pour le grain, on sépare à nouveau entre le seigle, le maïs, le malt, l’orge, etc. Et ensuite on fait pareil avec le type de fût, le type de finish, etc. Quand je crée un whisky, je pense à tout cela. Si je veux épicer mon whisky, je vais prendre ce type de fût spécifique. Si je veux quelque chose de plus léger, je vais utiliser ce type de fût.
Mais la chose qui je pense est la plus importante quand je crée un whisky, c’est de parler au consommateur : qu’est ce que vous aimez ? Et vous, qu’est ce que vous aimez ? C’est très important d’écouter dans un métier comme le mien. Et de comprendre qui boit mon whisky. Je ne dois pas faire un whisky pour moi. Donc pour répondre à la question, je m’inspire de 2 choses : l’écoute des consommateurs et la roue des saveurs du whisky canadien.
Est-ce que vous faites la différence entre gout des consommatrices et gout des consommateurs ?
Non non. Pour moi le gout est quelque chose de personnel, mais je ne pense pas qu’il y ait des gouts masculins et d’autres féminins. Chacun a des goûts différents. Par exemple, je déteste donner des notes de dégustations sur les whiskies. Par expérience, je sais que je n’arrive pas à sentir la noix de coco, mais je sais que sur le reste je suis bon. Mais ça dépend tellement de votre propre expérience…
LOT 40, comment le décririez-vous ?
C’est un whisky puissant, audacieux, et complexe. C’est ce que j’aime appeler l’ADN du whisky canadien. En tant que Blenders au Canada, on utilise le seigle pour créer nos différents whiskies. Avec LOT 40, j’ai voulu aller plus loin et n’utiliser que le Seigle dans la composition, de la même façon qu’un single malt en Écosse.
Pourquoi le public français devrait s’intéresser plus au whisky canadien ?
Je crois que le whisky canadien est le plus créatif, le plus innovant, car nous avons une réglementation très permissive. On doit respecter le compte d’âge minimum, et distiller au Canada, à partir de grain, et laisser vieillir dans des fûts de bois de moins de 700 litres pour 3 ans minimum, et sortir à minimum de 40% alcool. Ils ne m’imposent pas comment je dois le distiller. Certaines marques utilisent des alambics à repasse, d’autres à colonnes. On ne me dit pas le type de grain que je dois utiliser. On ne me dit pas non plus le type de fût que je dois utiliser. Le whisky canadien est divers, comme le Canada ! Donc vous pouvez très bien tomber sur des fûts de whisky canadien à l’ancienne, très léger et très doux. Ou à l’inverse du spectre, vous pouvez tomber sur des whiskies forts avec du caractère comme LOT 40. Et, c’est cette diversité qui me fait dire que le whisky canadien sera un grand succès dans les années à venir, car on voit que c’est ça que le marché recherche aujourd’hui.
Sans oublier que les cocktails sont un gros marché, et les bartenders que j’ai rencontrés adorent travailler avec LOT 40 pour ses arômes épicés, donc pour retravailler un old fashioned ou un Manhattan, c’est parfait. Je suis le gars juste avant le bartender, donc comme eux je pense goût.