Personnage de l’ombre, il navigue dans l’industrie des spiritueux depuis de nombreuses années. À la tête d’une agence qui travaille avec de nombreuses marques d’alcool, nous avons échangé avec lui sur le métier d’ambassadeurs, les ambitions de son agence PWP, et comment il a fallu s’adapter face à la crise sanitaire.
Comment a été fondé PWP ?
J’ai un parcours d’une vingtaine d’années dans le milieu des spiritueux et du CHR au travers de plusieurs agences. J’ai monté il y a un peu plus de 10 ans PWP en totale autonomie. Nous sommes aujourd’hui 35 salariés à l’agence, dont une vingtaine qui sont en externalisation pour le compte de marques. Nous sommes présents chez la plupart des alcooliers : MHD, Brown Forman, Bacardi Martini France, William Grant & Sons, etc. C’est notre volonté de rester expert du milieu des spiritueux avec une spécialisation sur le On-Trade. Nous proposons du sur-mesure pour identifier les bonnes personnes, les bonnes campagnes pour répondre aux besoins du On Trade qui est très particulier. Nous le voyons avec des grands groupements comme Paris Society : chaque directeur d’établissement a des besoins particuliers, chaque club a son caractère. Il faut s’adapter à cela.
Nous représentons aujourd’hui entre 50 et 60 marques de spiritueux sur le terrain. Nous avons lancé des marques en France comme Sailor’s Jerry ou encore contribué à celui de Jack Daniel’s Honey en partant de zéro.
Comment l’agence a évolué ?
Nous avons dès le départ été multiactivités avec 3 grands domaines. Le premier est conseil et stratégie pour les marques pour lequel nous avons désormais un département consulting avec Yoan et Julien (anciens brand ambassadeurs pour MHD). Ils sont nos deux consultants en charge de la réflexion sur des concepts d’animation. Ils sont la matière grise de l’agence. Ce sont des personnes avec une grande expertise et qui ont été au contact de beaucoup de problématiques de marques.
Le deuxième grand métier de l’agence est orienté point de vente pour réfléchir à des tournées consommateurs : tasting, campagne terrain, animatrices, barmen. Le but est de faire découvrir les produits et leur univers aux clients finaux.
Le troisième métier est l’externalisation ambassadeur. C’est celui pour lequel nous sommes le plus connus. Nous avons une vraie expertise pour identifier les bonnes personnes pour représenter les marques, et les suivre dans le temps. Par exemple Tim, cela fait 8 ans qu’il est sur Monkey Shoulder !
C’est important aujourd’hui de remettre de l’humain au centre de la communication des marques, car au-delà du commercial, et des beaux story tellings, il faut des gens qui transmettent les valeurs de la marque, mais aussi leur passion !
Un des savoir-faire de l’agence est d’identifier les personnes afin que lorsqu’ils passent les portes d’un l’établissement, il y ait une cohérence entre le personnage, le discours, et le produit ! Au-delà d’un recrutement pur et dur sur des capacités factuelles , il y a un vrai travail pour identifier une énergie. Être ambassadeur, c’est porter les couleurs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et être responsable. Si demain un ambassadeur se comporte mal dans un établissement, c’est la marque qui en subirait les conséquences.
Beaucoup de bartenders voient le rôle d’ambassadeur comme une suite dans leur carrière. Est-ce que tout le monde peut le devenir ?
Non, clairement. Je mets un gros warning car les bartenders ont tendance dans leur établissement à être à la maison avec leurs habitudes et leur territoire. L’ambassadeur à l’inverse doit aller à l’encontre des gens. Ils doivent sortir de leur zone de confort. Ils doivent être itinérants, autonomes, et se faire aimer. Beaucoup de bartenders souhaiteraient être ambassadeurs, mais ne visualisent pas l’engagement que cela représente. Ce n’est pas du tout le même exercice. Tout bon barman ne peut pas être ambassadeur.
Et faut-il être forcément bartender pour devenir ambassadeur ?
Tout dépend des produits. Si le produit touche à la mixologie, il faut clairement une certaine crédibilité ! Il faut les savoirs, et les gestes, au-delà de la passion, pour avoir les mêmes codes.
Mais sur le whisky par exemple, ce n’est pas nécessaire. Il faut être passionné. Damien, ambassadeur sur Balvenie, n’a jamais été barman, ou caviste. Mais c’est un passionné qui collectionnait les bouteilles de whisky. C’est la passion qui est le point différenciant entre plusieurs profils. Que l’on aime, ou l’on n’aime pas le produit, la capacité de l’ambassadeur à nous transporter dans un univers qui nous parle et nous fait vibrer est la clé. Il faut de la passion !
Avec la crise actuelle, comment avez-vous réussi à adapter ce côté humain ?
Pendant la crise, le nouvel exercice pour les ambassadeurs pour être présent sur le terrain a été d’être présents virtuellement sur les réseaux. Certains sont plus à l’aise que d’autres. Mais tous ont dû se mettre sur un exercice de prise de parole virtuelle : masterclass, formation, jeu de rôle. La crise les a obligé à se mettre en avant via le social média.
Le côté humain est passé aussi par une phase d’attention envers les établissements afin de savoir de quoi ils avaient besoin, et comment ils pouvaient les aider. Cette phase d’approche et non de commercial pur, a créé un lien supplémentaire des établissements envers les marques. Certains par exemple ont été faire des guests dans des établissements pour aider à drainer de la clientèle dans les établissements. Aujourd’hui, les commerciaux sont objectivés sur les volumes. Alors que les ambassadeurs ont une approche plus humaine dans l’accompagnement.
Est-ce que le métier de brand ambassadeur a évolué depuis 20 ans ?
Malheureusement, les marques aujourd’hui veulent acheter un brand ambassadeur “toutes options”. Il y a moins de patience, d’éducation à prendre un ambassadeur en sachant qu’il sera opérationnel dans 6 mois, aura créé son réseau dans 9 mois, et dans un an, j’aurai le brand ambassadeur que je veux. Aujourd’hui, on nous demande souvent du “all-inclusive” de suite : à l’aise à l’oral, expert du milieu, et qui a tous les codes de la marque (barbus, pas barbus, tatoué, pas tatoué, etc.).
Quand on veut quelque chose trop rapidement, on le perd aussi trop rapidement. Quand on cherche un ambassadeur, l’un des premiers critères est qu’il n’ait jamais été brand ambassadeur. Neuf fois sur dix, on cherche un profil vierge de toute étiquette.
Il y a aussi de plus en plus d’ambition de retour sur investissement commercial et nous essayons d’être vigilant là dessus en rappelant qu’un brand ambassadeur est là pour faire adhérer aux marques, de créer une histoire. Mais s’ils veulent des commerciaux , il faut aller vers un autre profil. Nous avons identifié 3 ou 4 sous strates entre le brand ambassadeur et le commercial : brand educateur, brand promoteur, les business développeur. Mais si on veut un brand ambassadeur, il doit être déconnecté de toute volonté commerciale à court terme.
Comment évolue le milieu des spiritueux ?
Les consommateurs tendent vers le quali au détriment du quanti. Ils sont de plus en plus exigeants sur les produits qu’on leur sert. Mais aussi sur la manière dont c’est présenté. Si je prends l’exemple d’Aperol qui n’est pas un produit avec un process particulier de vieillissement, le fait d’avoir apporté un rituel de service avec ce gros verre ballon a joué dans le développement de la marque.
On le voit aussi avec le développement des mixers ! Il y a 10 ans, on ne venait pas avec une petite bouteille en verre dont la valeur est quasi aussi grande que le spiritueux qui est dans le verre !
Le personnel et le staff des établissements sont de plus en plus gourmands en formation : ils aiment avoir des choses à dire en tant que professionnels à leur client. Le métier de barman a explosé en termes de valorisation : de quelques cocktails évolués sur une carte, nous sommes désormais sur des offres beaucoup plus évoluées.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour l’année à venir ?
Que la crise sanitaire puisse passer et que les établissements puissent rouvrir à hauteur de ce qu’ils étaient avant. La force du CHR en France, c’est que nous sommes sur de l’artisanat et de l’humain, et c’est pour cela qu’on existe. Chaque établissement où l’on pousse une porte, c’est entrer chez quelqu’un avec ses codes. J’espère vraiment que chacun de ses pas de porte pourra rouvrir avec des sourires et non derrière des masques.
En attendant , et pour palier à la situation sanitaire actuelle, nous avons mis en place à l’agence une plateforme de formation aux gestes barrières qui permet de former tous nos animateurs pour savoir comment opérer une animation dans le respect des normes, avec les bons réflexes. Et ainsi rassurer les consommateurs ! À la fin du module, des questions permettent de mettre en situation. S’ils ont eu 8 questions correctes sur 10, ils ont un certificat qui permet de démontrer qu’ils ont réussi cette formation. C’est quelque chose qui nous tient à coeur pour rassurer tout le monde et montrer que nous sommes professionnels et prenons nos responsabilités pour ne pas devenir vecteurs du virus !
Celle plateforme est accessible à tous les acteurs de la profession sur ce lien : www.pwpsecure.fr, n’hésitez pas à suivre l’actualité sur notre insta.