Fin Avril 2025, Benoît Guérin a remporté la finale hexagonale de The Bartenders Society. Derrière ses deux créations, « Confluence » et « Influence », se cache un parcours personnel et professionnel riche d’une décennie de passion, d’émotions et de transmission. Rencontre.
Benoît, tout d’abord félicitations pour ta victoire. Peux-tu nous expliquer ce que racontent tes deux créations ?
Benoît Guérin : Merci beaucoup ! Mes deux cocktails s’inscrivent dans une logique de célébration, inspirée par deux anniversaires très personnels. « Influence », le cocktail sans alcool à base de jus Caraibos, est un hommage aux 10 ans de ma fille. C’est une création que nous avons pensée ensemble : choix des ingrédients, des saveurs, de la décoration… Elle a même soufflé l’idée d’y intégrer un produit fermenté, car elle se souvenait que j’avais beaucoup travaillé là-dessus l’an dernier. C’était vraiment un moment de partage et de transmission.
Quant à « Confluence », le cocktail avec alcool, il célèbre les 10 ans de mon tout premier concours en 2015. J’ai voulu relier mes débuts à aujourd’hui en réutilisant des ingrédients et des arômes de l’époque, en les croisant avec ceux que j’ai explorés l’an dernier. Le tout articulé autour d’une recette maison inspirée du gâteau nantais, un clin d’œil à mes racines.
Tu évoques beaucoup la transmission. C’est un fil rouge dans ton travail ?
Oui, totalement. Que ce soit avec ma fille ou avec les jeunes que je forme au bar, la transmission est essentielle. Dans le cocktail « Influence », il y a bien sûr le lien familial, mais aussi cette idée de partage de savoir, de création commune. C’est quelque chose que je retrouve chaque jour dans mon métier.
Et sur scène, lors de la finale hexagonale en Martinique, comment t’es-tu senti ?
Je me connais, donc je sais que l’improvisation est risquée ! J’avais préparé une mise en scène simple mais visuelle, avec une disposition soignée des quatre verres. J’avais répété, même si malgré tout, le stress m’a fait commettre une erreur : j’ai oublié un ingrédient. Heureusement, Mathieu (mon coach) était là pour me sauver la mise. Globalement, c’est un des concours où je me suis mis le plus de pression.
Tu as été coaché par Mathieu Gouret, vainqueur 2017. En quoi son accompagnement t’a-t-il aidé dans ta préparation ?
C’était une excellente initiative de la part des équipes de The Bartenders Society d’instaurer ce système de coaching. Avec Mathieu, on se connaît bien puisque nous travaillons ensemble, mais j’ai une manière assez indépendante de créer. Pendant la phase de conception, je partage peu mes idées, même si cette fois j’ai un peu plus ouvert le processus. Ce qui a été le plus utile, ce sont ses retours techniques pendant la séance de coaching filmée en avril. Il a pointé quelques détails que je ne voyais plus, et il avait raison. Ce genre d’ajustement, même minime, peut faire une vraie différence sur scène.
Justement, parlons de l’ambiance du concours. On imagine que c’était intense, mais convivial ?
C’est exactement ça. Trois jours en Martinique avec une organisation qui privilégie la simplicité, l’authenticité, la bienveillance… Il y a un vrai esprit familial entre les candidats, qu’on soit débutant ou confirmé. On partage, on échange, on apprend les uns des autres. C’est une belle émulation.
Tu as aussi eu la chance de visiter l’habitation Saint James. Qu’en retiens-tu ?
L’immersion a été incroyable. Arriver en pleine période de broyage de la canne, sentir les odeurs évoluer à chaque étape, découvrir la distillerie avec Marc Sassier en personne… Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’expérience olfactive. Les arômes, les matières, les ambiances – c’est une vraie source d’inspiration.
Tu vas maintenant devenir ambassadeur The Bartenders Society France. Comment envisages-tu ce rôle ?
C’est dans la continuité de ce que je fais déjà. Je veux transmettre mon expérience, parler des produits que je connais bien, comme ceux des rhums Saint James, des liqueurs Marie Brizard ou des jus de fruits Caraïbos, et aider les candidats à mieux appréhender l’univers du concours, qui est très spécifique. C’est un rôle que je prends très à cœur.
Tu parles souvent de cuisine et de produits locaux comme sources d’inspiration. Comment ça se traduit dans tes créations ?
La cuisine, c’est une mémoire gustative et affective forte. Travailler des produits que l’on connaît, que l’on a cultivés, que l’on associe à des souvenirs, crée un lien très fort avec ceux qui dégustent. J’intègre souvent des produits du jardin, des recettes locales, des fermentations maison… Ce sont ces touches personnelles et locales qui, je pense, font la différence.
Et pour les cocktails sans alcool, très en vogue aujourd’hui, comment abordes-tu le sujet ?
Il y a eu un vrai changement. Avant, c’était souvent fait un peu « à la va-vite ». Aujourd’hui, avec les nouveaux produits sans alcool et surtout les techniques qu’on emprunte à la cuisine, on peut proposer des créations aussi complexes et raffinées qu’un cocktail classique. Par exemple, j’ai travaillé des infusions de thé dans des jus de fruits Caraïbos, et ça ouvre vraiment des univers aromatiques très intéressants.
Un mot sur la finale internationale qui approche ?
Je suis en train de m’y préparer. Je vais garder mon cocktail avec alcool à base de rhum Saint James et de liqueurs Marie Brizard tel quel, car j’en suis très satisfait. Je vais le mettre à la carte du bar pour bien le roder avant le jour J. Et je vais devoir imaginer une nouvelle création sans alcool avec les jus Caraïbos sur place. Je vais sûrement puiser encore une fois dans mes inspirations personnelles, mais cette fois sans pouvoir créer avec ma fille. Ça change la donne, mais je suis confiant.