À défaut d’avoir inventé le cocktail le plus internationalement connu de Dijon (alias le blanc cassis), Colin Lach aura été celui qui aura placé la ville sur la scène du cocktail national et international. Après 6 ans chez Monsieur Moutarde, où il a pris le temps de former une armée de padawans pour prendre sa relève, Colin monte son établissement nommé Nuage qui va ouvrir d’ici quelques semaines. Un bar qui va proposer plus que de simples cocktails, et mettre en avant le savoir-faire français !
Colin, dans quel état d’esprit es-tu actuellement?
Ça fait du bien de prévoir des choses et c’est quelque chose de très plaisant de travailler chaque jour pour aller dans la direction que tu souhaites. Je me sens bien, même si derrière il y a beaucoup de pression, beaucoup de stress. Entreprendre, ça reste quelque chose de risqué, avec une approche différente mais stimulante.
Si on reprend ton parcours…
J’ai commencé le milieu du bar assez tard. J’ai fait des études pour être enseignant que j’ai exercé pendant un an avant de retourner dans la restauration. J’avais grandi dans une auberge et je me suis retrouvé à retourner dans ce milieu initialement pour payer mon loyer.
Étant donné que le bar me plaisait, j’ai fait une formation pendant un mois pour m’initier au cocktail avant de revenir à Nancy pour mon premier vrai poste dans un bar à cocktails qui s’appelait La Plantation. C’est ici que j’ai construit ma passion pour les spiritueux et où j’ai développé mon envie d’aller plus loin. Ensuite, j’ai enchainé à Monsieur Moutarde ces six dernières années. Ce n’était pas prévu que ce soit si long, j’imaginais Dijon comme une étape, mais si j’y suis resté c’est que j’y prenais du plaisir et maintenant j’y ouvre un bar donc je crois que ça veut dire que je m’y installe sérieusement (rires).
Pourquoi choisir d’ouvrir ton bar maintenant ?
Cela a toujours été dans un coin de ma tête comme beaucoup de barmen je pense, mais ce n’est pas si simple. Je m’en rends compte en ce moment. Chez Monsieur Moutarde, j’ai fini responsable de bar, à essayer de faire les choses correctement avec mon équipe et je suis fier de ce qu’on a réussi à faire.
Mais si je voulais accomplir plus de choses, aller plus loin, et proposer des choses qui me correspondaient plus, la seule option était d’ouvrir mon bar. La vraie question était de savoir comment faire pour l’ouvrir. J’ai toujours été salarié. L’idée a été de m’associer avec des gens complémentaires. C’est la raison pour laquelle nous sommes quatre associés sur Nuage : Florian Portanier et Laetitia Miguet qui tiennent le restaurant L’Abenfant à Dijon. C’est un restaurant dans lequel nous allions manger et nous avons appris à faire connaissance jusqu’à devenir amis et avoir envie de monter quelque chose ensemble.
Ce sont des gens avec qui nous avons la même manière de penser, avec qui on s’entend bien sur beaucoup de choses et qui ont déjà monté une affaire. La troisième personne avec qui je m’associe, c’est Florine, ma conjointe. Nous montons quelque chose qui nous correspond à tous les quatre.
Quand a commencé à éclore le projet ?
Il y a un an. Ce n’est pas simple de trouver des locaux qui puissent fonctionner sur Dijon avec un bon emplacement et la capacité souhaitée. Ça a été en stand-by jusqu’à la fin de l’automne 2023 où l’on nous a proposé un local. Dès que nous sommes entrés, de manière instantanée, nous avons vu que ça correspondait vraiment à l’idée que nous nous faisions du projet que nous voulions faire.
Quels ont été les points importants dans vos recherches de locaux ?
Clairement l’emplacement. Dijon est une petite ville et les espaces sont assez concentrés. En fonction d’où tu t’installes, ça joue sur le succès que tu peux avoir. Derrière, nous voulions un endroit avec du cachet, qui ait du caractère avant qu’on y mette notre touche. Après, bien sûr, il fallait que ce soit dans notre budget. Nous avions envie d’ouvrir un endroit où on aimerait aller boire des verres.
Il y avait aussi les critères vraiment techniques : la possibilité de mettre un bar à cocktail et une cuisine : nous aurons le bar au rez-de-chaussée et la cuisine à l’étage mais elle sera quand même ouverte avec un comptoir. Nous nous associons avec des gens qui font très bien à manger, c’est aussi important de mettre en valeur leur savoir-faire. De ne pas être dans un petit local fermé et d’avoir des gens devant toi te donne envie de bien faire, de faire beau, de montrer ce que tu fais.
Comment décrirais-tu Nuage : restaurant avec cocktails, ou bar à cocktails avec restauration?
Le petit sous-titre sous le nom du bar est “bar à cocktail et cuisine à partager”. Nous voulions vraiment le mot cuisine dans le nom parce qu’à Dijon tu peux très bien boire dans certains endroits et très bien manger dans d’autres. Mais les endroits qui combinent les deux avec des démarches intéressantes derrière ces deux éléments, il y en a bien sûr, mais ils ne sont pas très courants. Nous aimons bien boire, on aime bien manger et on a envie de proposer les deux au même endroit. Nous allons proposer un concept de bar à cocktails et niveau cuisine, uniquement des choses à partager en centre de table mais qui sont réellement cuisinées, avec un travail derrière. Nous allons travailler uniquement des produits français, aussi bien dans la cuisine que dans le bar.
Est-ce qu’avoir l’aval des banques a été compliqué dans le contexte actuel ?
Non pas tant que ça, nous avons réussi à avoir facilement notre prêt. Ils regardent beaucoup les cv et ils ont vu que nous proposions un projet qui a du sens dans sa construction et que derrière, les gens qui le montent sont des gens avec l’expérience nécessaire pour faire en sorte que ça réussisse. Nous montons ce projet à Dijon, une ville où il y a encore de la place pour y monter des choses intéressantes. Ce n’est pas une ville qui est encore saturée par des concepts qui se ressemblent !
Parlons du nom de l’établissement : pourquoi Nuage ?
Notre but est de valoriser le savoir-faire français, les produits français et par extension de manière assez pragmatique nous avons cherché un mot de la langue française que nous trouvons beau et qui soit parlant. Qu’il puisse être prononçable et lisible facilement dans plusieurs langues. Le mot nuage évoque la légèreté, le lâcher prise et ça nous tient à cœur de faire un lieu où il fait bon vivre, où l’on y passe de bons moments, où l’on s’y sent bien. On n’évoque pas le cocktail, mais cette petite sensation de lâcher prise que ça évoque.
As-tu déjà une idée de ta carte ?
Les spiritueux sont uniquement sourcés en france : nous n’aurons pas de cocktails à base de tequila, de shochu ou autre. Ça représente des contraintes, mais le but c’est d’ouvrir un bar qui avance dans le bon sens avec le monde dans lequel on vit. C’est vrai que ces spiritueux qui viennent de l’autre bout du monde sont fascinants, mais en consommer à outrance n’a rien de cohérent. Ensuite, nous voulons faire des choses simples et compréhensibles mais qui apportent un petit peu plus, qui bousculent un peu. Nous n’avons pas forcément une clientèle portée sur des choses trop pointues et barrées alors il faut toujours cette petite pointe d’originalité mais sans oublier que les clients ne sont pas aussi geeks que nous les barmen. Les cocktails vont être construits simplement avec un gros travail de transformation d’ingrédients bruts, de saison, en circuit court etc
La transformation des produits bruts permet d’être en lien avec la cuisine : si on extrait le jus de quelque chose, nous allons travailler la pulpe en cuisine par la suite. Il va y avoir un travail autour des ingrédients pour les utiliser entièrement.
Le travail de transformation est une chose qui me tient à cœur et que j’aime beaucoup faire. Chez Monsieur Moutarde, c’était difficilement envisageable de par l’échelle du lieu. Travailler des beaux produits, les transformer dans leur entièreté pour limiter les déchets et réussir à faire des cocktails beaux, bons et intéressants qui bousculent un peu mais tout en restant compréhensible.
Tu parlais des contraintes des produits français…
Cela représente beaucoup de travail dans le sourcing parce qu’effectivement l’objectif c’est de sourcer des produits intéressants tout en essayant de trouver des choses viables économiquement. Trouver des produits intéressants n’est pas le plus compliqué. Mais quand il s’agit d’être rentable, il y a tout un travail de négociation à avoir.
Est-il prévu des accords cocktails et food ?
Le concept est bar à cocktails et cuisine à partager. Mais d’un point de vue événement et animation, nous aurons des choses axées sur ça avec des guests (aussi bien cocktails que cuisiniers ou producteurs) qui nous tiennent à cœur de valoriser pour offrir une expérience complète. Il y aura aussi des soirées “exception à la règle” pour faire venir des chefs, des barmen et des producteurs qui proposent des choses non françaises, asiatiques par exemple, et pour faire vivre le lieu, sortir de la routine.
De plus en plus de bars cherchent à rendre leur lieux instagrammable. C’était une contrainte pour vous aussi ?
Nous n’avons pas cherché à ce que le lieu soit forcément Instagrammable, mais qu’il soit beau et que les gens s’y sentent bien, qu’ils aient envie de revenir parce que la décoration plaît. Nous n’avons pas le choix aujourd’hui, que de réfléchir à cet aspect là qui est assez primordial : comment est-ce que les gens vont parler de ton établissement ? Comment est-ce que les gens vont partager leur expérience qu’ils ont eu chez toi ? Actuellement, ça passe par les smartphones et les réseaux sociaux donc oui tu n’as pas le choix que d’y réfléchir. Quand nous avons découvert le lieu, nous avons eu un coup de cœur, non pas car on s’est dit que ça allait être super instagrammable, mais car c’est beau et ça correspond à notre idée. Nous voulons pouvoir nous dire que c’est un endroit dont nous sommes fiers que les gens puissent venir le découvrir, et si derrière ils prennent des photos pour les mettre sur instagram on ne leur en voudra pas (rires).
Le recrutement actuellement dans le CHR est un vrai sujet. Est-ce que c’est galère pour vous aussi ?
Pour le moment, ce n’est pas quelque chose qui nous a trop inquiété. À Dijon il y a des gens qui cherchent à travailler. Il faut les former parce qu’ils manquent d’expérience au niveau du bar à cocktails. Mais le fait d’ouvrir un endroit qui se spécialise, ça attire des gens qui ont envie de s’accomplir et d’aller plus loin dans leurs démarches professionnelles. Nous sommes toujours ouverts pour recevoir de nouveaux CV d’ailleurs. Mais nous ne sommes pas inquiets quant à notre capacité à avoir une équipe qui tourne bien.
La scène cocktail de Dijon est en train d’éclore…
Je trouve ça super cool et c’est aussi une des raisons qui me fait me dire que c’est assez pertinent que de s’y installer. Dijon est une ville très vivante et qui est en train de le devenir d’autant plus. Toutes ces nouvelles ouvertures, ça veut dire qu’il y a de l’envie, et du potentiel. Dijon est une ville où la gastronomie est centrale. Il y a aussi ce désir de vivre dans des villes qui sont à échelle humaine. Sans oublier que Dijon est une ville qui grandit et qui attire beaucoup de touristes. Je pense qu’une ouverture en stimule d’autres aussi parce que les gens se rendent compte que tu peux faire autre chose qu’un bar à vin à Dijon et que ça fonctionne.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2024-2025 ?
Une belle ouverture et puis le fait que Nuage fasse de jolies choses, simplement. Le fait que notre projet réussisse !