C’est par 8000°C et le massacra coulant, que je me dirige vers Bastille, ce jour était un peu mon Man vs Wild à Paris, mais le rendez-vous était pris, je ne pouvais donc pas rester chez moi la tête dans le frigo ! Et j’ai bien fait ! Arrivée au Café Moderne, je rencontre Mido Ahmed Yahi, comme me l’avait recommandé la Calbar Team (poke Christophe et Thierry, oui le poke c’est so 2010 je sais mais j’aime bien !). Mido m’accueille avec un grand sourire dans son t-shirt Brooklyn et Jay-Z en fond sonore, je comprendrai plus tard que Brooklyn c’est plus qu’une passion pour lui, c’est une Way Of Life ! Le Café Moderne me fait penser à ces bars de quartier où tu te sens à la maison dans lequel tu peux aller seul, avec des amis ou en famille, pour un café, un cocktail ou dîner. Peut-être parce que comme le dis Mido « c’est le bébé de la famille ».

Le Café Moderne, Paris. Photo by Christophe Guibbaud

 

Merci de m’accueillir chez toi ! Commençons par les travaux pratiques, tu me sers quoi pour accompagner cette interview ?

Ah ! D’entrée comme ça ?! Je vais te faire un truc bien frais vu le temps qu’il fait. Un petit cocktail au shaker à base de gin, c’est l’alcool montant. Pendant des années la vodka avait le monopole sur les spiritueux, mais le gin est un produit facile à travailler, c’est surtout que les gens étaient restés bloqués sur les gins bas de gamme de fin de soirée. Le cocktail que je te fais n’a pas trop de nom mais entre nous on l’appelle la Fiat 500, car quand je l’ai créé pour un client, qu’il m’a demandé de lui trouver un nom, il y avait une Fiat 500 rouge devant le bar !

– Gin

– Citron vert pour le côté frais

– Aperol pour l’amertume (mais pas trop amer contrairement au Campari, on y retrouve la rondeur des agrumes.)

– Marasquin pour contrebalancer l’acidité et l’amertume

– Dash de bitter grapefruit

– Rafraichir le verre

– Shaker

Barman, c’est un métier de création, quel est le cocktail signature que tu aurais aimé inventer ? 

Ca peut être classique mais ceux que j’aurais aimé créer ce sont le Old Fashioned ou le Manhattan, car je suis un grand fan de bourbon et de whisky. Le Old Fashioned, qui est un cocktail signature du Café Moderne, parait simple mais il est vraiment complexe à réaliser. J’aime le Manhattan pour sa complexité également, je l’aurais appelé le Brooklyn ! J’y ai vécu 3 ans et j’y ai appris les spiritueux ainsi que la méthode de consommation américaine qui est vraiment différente de la version française.

Yoko Ono a inspiré John Lennon, qui t’inspire ?

Ma principale source d’inspiration reste quand même ma mère, depuis que je suis tout petit, elle m’a appris à cuisiner… à faire des cocktails avec de la nourriture en fait !
Sinon je dirais que Jay-Z m’inspire pas mal aussi, ce côté musical, culture hip-hop… Brooklyn m’inspire ! J’ai parlé il y a pas longtemps avec un chef qui a travaillé dans un établissement étoilé et il me disait qu’il s’inspirait des cocktails autant que nous nous inspirons de la cuisine.C’est un vrai échange.

T’es connecté comme barman (Twitter, Facebook, forums)  ? Le web tu t’en sers pour quoi ?

Facebook pas mal ! Je pense que c’est le meilleur outil de communication de nos jours. Concernant le web je l’utilise pour me tenir informé, ça me permet aussi de voir qui s’intéresse au Café Moderne et de pouvoir communiquer avec eux, parler du plat du jour, des nouveaux cocktails… pouvoir donner envie aux gens par des photos par exemple. C’est carrément du community management, mais après il ne faut en pas en faire trop, je favorise surtout le bouche à oreille qui est vraiment la meilleure publicité au monde !

On dit que les voyages forment la jeunesse, est-ce que ça forme un barman ?

Ca forme carrément un barman ! Un bartender qui voyage aura l’occasion de découvrir des produits que nous n’avons pas l’occasion de travailler ici, mais surtout d’avoir l’esprit du partage des savoirs ! Quand tu voyages tu acquières une ouverture d’esprit et tu deviens plus créatif.

Ton prochain voyage c’est où ? tu visiteras quel bar ?

Je vais retourner à la maison… New York ! Sinon le Japon ou le Brésil quand j’aurai des vacances.
J’irai voir des potes, les bars que je fréquente là-bas ne sont pas les gros bars à cocktails, mais plus les petits bars de quartier où chaque bartender connaît ses classiques et sait les réaliser parfaitement. Je passerai sans doute une soirée au Employees Only avec Steeve !

Qu’est ce qui a provoqué cette vocation de barman ?

Tom a de la chance, je l’aurais mis à la retraite si j’avais été là à cette époque !
Ce qui a fait le déclic, c’est lorsque je suis parti vivre à l’étranger, j’ y ai vu les américains avoir une méthode de consommation vraiment différente de nous, ils ont une vraie culture du cocktail. Bien que cela arrive de plus en plus en France, et sur la scène internationale Paris et la France s’imposent. Pour conclure ce qui m’a amené ici, c’est de faire plaisir aux gens et leur donner une qualité de service, mais je suis autodidacte.

L’alcool est une base importante dans un cocktail, mais il n’y a pas que ça, quel type de produit préfères-tu travailler pour créer un cocktail ?

Les produits frais, entre les fruits rouges, les légumes, les plantes, les herbes… je travaille de tout jusqu’au foie gras ! J’ai préparé un cocktail au foie gras pendant 3 mois, il sera à la carte en septembre ! Les différents outils également : shaker, mixing glass, siphon (comme le cocktail que j’ai fait au Cocktail Spirit)…. même des machines pour fumer les ingrédients. Je travaille avec tout ce qui me passe par la tête, du moment que c’est assez safe pour consommer. J’essaye aussi de faire du food pairing, comme nous avons une partie restaurant, je peux conseiller mes clients pour accorder leurs cocktails aux plats. Maintenant, au Café Moderne les gens consomment plus de cocktails que de vins ou de bières ! En moins d’un an, j’ai réussi à habituer mes clients à des choses meilleures, à boire plus lentement et à connaître les produits qu’ils boivent. C’est un pur kif ! Je suis super content quand un client me demande un cocktail pointu alors que 8 mois avant il buvait des Mojitos !

Quel serait ton nom de super-héros ? 

Ahahahah ! Ca serait un truc avec une moustache en tout cas…. Moderne-Moustache !

Le Café Moderne, Paris. Photo by Christophe Guibbaud

La nébuleuse des bars à cocktails français se densifie, quel conseil peux-tu donner au consommateur pour qu’il puisse se repérer ?

Je leurs conseille de regarder le back bar, les produits qui sont derrières… ça permet de savoir tout de suite si c’est un bar basique « où on envoie » et on se fiche de la qualité. Si il y a de jolies bouteilles bien présentées et si ce n’est pas « brandé » de partout, normalement c’est que les alcools sont de qualité. On met aussi en avant les produits que l’on travaille sur le bar devant le client, comme les épices, les fruits, les citrons, les plantes… Si les produits sont frais c’est bon.

 

Si je me retrouve perdue dans une convention de barmen, je parle de quoi pour ne pas me faire démasquée ?

La mode veut que l’on ait de beaux outils pour travailler, parce qu’on est aussi là pour faire le show, des jiggers, des mixing glass, des bar spoons dorées qui font 50 centimètres ! donc tu dis « J’ai acheté tous mes japanese barware !  Je suis trop contente de mon mixing glass Yarai ! » A partir du moment où tu dis ça, les gens pensent que t’es pro 🙂

J’aime à dire qu’être bartender c’est accessible à tout le monde, mais être créatif et savoir combiner les bons produits c’est autre chose. De temps en temps, je prends un client derrière le bar et je lui propose de se faire son cocktail, ils aiment bien. Je donne ma recette mais c’est lui qui a shaké, qui l’a composé. Après il faut faire des recherches, connaître les produits sur le bout des doigts. Plus on utilise des produits de qualité meilleur sera le cocktail, comme en cuisine.

En France avec la loi Evin c’est assez difficile pour les alcooliers de communiquer, en revanche dans le monde ils rivalisent d’ingéniosité. Selon toi, quel a été le meilleur coup de communication (BtoB ou BtoC) d’une marque  ?

Sincèrement, la marque qui a fait le meilleur plan de communication c’est encore très récent en France, même si ça a quelques années, c’est Saint Germain, la liqueur de fleur de sureau. Pour moi ils ont tout compris en utilisant une imagerie vintage. Après la loi Evin… j’ai ce panneau là : « Evin m’a tué (non je n’incite pas à une consommation excessive) » que j’ai eu pour notre Harlem Shake.

Vous êtes comme les médecins, pas le droit de parler de vos patients, mais je suis sure que t’as un potin à me raconter, je demande pas de noms promis !

Oui ! c’est quelque chose que je trouve très drôle, je suis très pointilleux dans ce que je fais mais j’aime qu’on ne se prenne pas trop au sérieux. Il y a pas longtemps j’ai lancé une tendance : que tous les plus gros bars à cocktails aient une bouteille de Mister Cocktail en back bar ! J’ai commencé à en parler en rentrant de Cognac et Christophe du Calbar m’a apporté la bouteille ! Je suis sur qu’on peut faire une activation produit Mister Cocktail quand ils veulent ! C ‘est très drôle d’avoir ça à côté de tes whiskys japonais ou de tes gros rhums. Les gens le voient !

Sinon j’ai un client d’un certain âge, qui arrive en période de rush et qui me demande un Ricard, je lui demande comment il le veut, il me répond « classique ». Je lui dit qu’il est dans un bar à cocktails, donc que je vais lui servir un Ricard, mais amélioré. J’ai fait un Ricard Martini servi dans une coupette avec une olive dedans, et maintenant il revient pour mon Ricard Martini !

La clientèle d’ici est variée, des petits jeunes de 18-20 ans aux gens de 25-40 ans et même plus ! Les gens se mélangent, les hipsters, les rockeurs, les tatoués… c’est ce que j’aime le plus, je suis fier de nous pour ça, avoir fait un endroit où les gens se sentent bien, ils ont envie de rester. On passe du Gainsbourg, du Jay-Z, Notorious Big, France Gall. Les cocktails, la cuisine, la musique doivent être en osmose et satisfaire les gens pour qu’ils viennent passer une soirée entière ici. Il y a même des gens qui mangent au bar, je trouve ça sympa en plus tu peux parler avec le barman et apprendre des choses.

T’as un remède contre les cheveux qui poussent le lendemain ?

La meilleure boisson contre le hangover c’est Perrier et 5 / 6 dash d’Angostura Bitter, ça remonte le degré d’alcool dans le corps ! Ce sont des clients américains qui m’ont appris ça, quand ils s’étaient pris une « caisse » la veille et qu’ils devaient aller bruncher le lendemain. Sincèrement ça marche !

Il y a eu une mode des Sminorff Ice, des Jell-O shots… Quel est le produit le plus étrange que tu aies vu sur le marché des spiritueux ?

J’avais presque oublié ces produits ! Il y en a tellement en même temps… le truc le plus étrange que j’ai pu goûter  c’est quelque chose que j’ai découvert il y a peu, alors que c’est super vieux ! Le Jameson Pickleback, c’est un shot de Jameson et à côté un shot de jus de cornichon aigre-doux. Mais c’est super bon au final !

Plein de spiritueux ne sortent pas en France (ou beaucoup plus tard que sur les autres marchés). Lequel voudrais-tu voir commercialisé ?

La White Chocolate Liqueur de Godiva (la dark et chocolate milk aussi), c’est un produit dont je suis tombé amoureux, je l’ai découvert aux Etats-Unis, comme je travaille les cocktails-desserts et j’aime bien ce produit. On a l’équivalent en France mais bon… Sinon il y a plein de produits japonais ou d’Amérique du Sud qui ne sont pas importés pour des problèmes d’embouteillage. C’est dommage car nous avons un gros marché pour les spiritueux. Mais Dieu merci nous avons la Brooklyn Lager maintenant, nous faisons parti des 3 premiers à l’avoir eu sur Paris.

Comment sélectionnes-tu les alcools avec lesquels tu travailles ? 

Sûrement pas par affinité, je ne ferais jamais plaisir à un alcoolier en lui disant que je vais le rentrer parce qu’il est sympa. Il faut favoriser le produit, s’il me plait et que je m’entends bien avec le brand ambassador tant mieux, mais je fais vraiment attention au produit. Après si l’alcool ne me plait pas mais que je vais réussir à le réinterpréter d’une manière qui plait aux gens, je le prends. Je fais souvent goûter les produits aux clients. En fait, la qualité des produits et des spiritueux est vraiment importante, c’est le point clé auquel je porte une attention particulière pour faire ma sélection.

 

Café moderne

 

Qu’est ce qui te plait / déplait quand une marque s’adresse à toi ?

J’aime quand la personne en face de moi connait ses produits, c’est bien de lire les fiches techniques et de devoir vendre des quantités, mais il faut que le brand ambassador m’apprenne des choses et non l’inverse. Ca me plait aussi quand la personne ne me force pas la main. Et j’aime quand ils prennent rendez-vous ! Ils viennent un vendredi « Tiens essayes ça ! » et toi tu es dans le jus !

Chez Georges on parle de spiritueux mais aussi de vin, une bonne bouteille à me conseiller ?

Je suis pas très très vin, je travaille encore mon palais, mais un vin qu’on trouve dans beaucoup d’institutions c’est le Côte du Rhône Parallèle 45. Il est facile à boire ! Bon j’avoue que je suis capable de boire 5 ou 6 cocktails sans problème, mais un verre de vin et je suis parti… !

C’est bientôt ton anniversaire ? Tu veux quoi comme cadeau ?

C’était il y a 2 mois ! C’est peut-être un peu rapide de dire ça, mais j’aimerais que le Café Moderne ait un petit frère, ça serait ma plus grosse fierté. Au-delà de ça j’ai ce qu’il faut, ma famille, ma copine, mes amis, mon business, cette année je dois être l’un des hommes les plus heureux du monde, c’est une consécration !

Question carte blanche, quelque chose a ajouter, un message à faire passer ?

Aux personnes qui liront cette interview : si vous ne connaissez pas le Café Moderne, venez l’essayer ! Vous êtes les bienvenus ! On reçoit de la même manière quelqu’un qui vient pour un café ou un cocktail. On a voulu retransmettre le côté vieux bistrot parisien mais qui sait être moderne. Je crois qu’on s’en sort pas mal !

Merci pour ton temps, un dernier conseil, qui je devrais aller interviewer après toi ?

Ah ! Les premiers sont des amis d’enfance : Clément Sargeni et Franck Conti du Grazie.
Et le second c’est Joseph Boley au Red House ! Tu vas là-bas, tu rigoleras !

Facebookhttps://www.facebook.com/pages/Caf%C3%A9-Moderne/236875206441492?fref=ts
Harlem Shakehttp://www.youtube.com/watch?v=JkFBlBB8yj0
Adresse : 19 rue Keller, 75011 paris

Author

Fondateur de ForGeorges - plus de 1 000 bars testés à travers le monde - prend autant de plaisir à tester un nouveau bar, que déguster un spiritueux ou un verre de vin en bonne compagnie ! Spécialiste de la loi Évin et dénicheur de bonnes idées et innovations pour les marques d'alcool ! Son cocktail préféré ? Tous à partir du moment où ils font passer un bon moment (mais ne crache jamais sur un old fashioned bien réalisé ! ). Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...) Auteur des livres : Le Whisky C'est pas Sorcier, Le Rhum c'est pas sorcier et Les Cocktails c'est pas Sorcier, aux éditions Marabout et traduits en plusieurs langues (Anglais, chinois, japonais, russe, italien, néerlandais...)

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